Voici le communiqué d’un ouvrage qui fut, dès les premiers instants de sa parution, censuré lors de sa promotion sur certains réseaux sociaux.
PRESENTATION DU LIVRE
Métissage, étiquette orpheline, anomalie identitaire.
Voici le voyage d’une vie vécue, une histoire parcourue. Du corps au domaine des idées, entre poèmes organiques et rimes politiques. De la symphonie aux philosophies, Le Pont est la photographie d’une société, et le témoignage en vers d’un livre ouvert. Celui d’un métissage entre Europe, Proche-Orient et Afrique. Un triangle géographique dont la Méditerranée fut mère.
La rencontre des civilisations, et une expérience : vivre pleinement ce métissage, jusqu’à vider le sens de ce mot. Comprendre son origine, percevoir ses limites, sa définition bancale, et lire à travers lui l’histoire complexe et douloureuse des nations. Et c’est alors, qu’en parcourant l’abîme sans fond de toutes les questions de genre et d’identité, voici ce qui fut découvert :
Le corps est un navire, la vie est une mer. Le métissage est un Pont, entre les cultures et les idées, entre les points communs et les opposés. Et de la nature la plus grossière à la plus subtile, tout est malléable comme l’argile.
Ici, est une invitation à démasquer les questions d’identité, et faire d’une origine, non pas un poids durement vécu, mais la source d’une liberté.
Du corps au météore, dans le vide, il n’y a qu’un pas.
INTERVIEW DE LOMNAVA
Tout d’abord, présentez-nous votre livre, de quoi s’agit-il ?
Le Pont est un recueil de poèmes partant de mon métissage, et de la façon dont je l’ai vécu, pour aller peu à peu vers l’exploration des questions de genre et d’identités, qui animent et traversent nos sociétés, en passant par nous-mêmes. Je me base principalement sur la France, mais aussi sur d’autres pays que j’ai visités, ou dont je suis originaire, ou dont un lien particulier me rattache.
L’ouvrage se présente en quatre parties, la première se nomme donc « Identité(s) », le S entre parenthèse est justement une allusion au fait qu’en visitant la question « qui suis-je », l’on se rend compte que la réponse n’est pas si évidente. D’une émotion ressentie à un imaginaire projeté sur soi, lorsque « Je » parle, qui est-il, finalement, existe-t-il vraiment ? Explorant cette question, certaines expériences directes liées à mon métissage sont mises en mots et en vers. Ce sont elles qui évidemment, invitent à se questionner sur qui l’on est. Lorsque nous sommes métis.se, notamment en France, il est difficile de savoir quelle place la société peut-elle nous offrir. « Noir pour les blancs, blanc pour les noirs », nous sommes sur une chaise bancale entre deux couleurs, qui en soi, n’existent même pas, de base. Petit, j’avais du mal à ce qu’on me fasse remarquer que j’étais différent (je viens de petites villes et petits villages de Seine-et-Marne), non pas que cela partait forcément d’un mauvais sentiment, mais étant de nature timide, et ayant mis du temps à avoir confiance en moi, ce n’était pas forcément évident à vivre, parfois. Ceci encore, n’est pas le pire, et bien d’autres personnes ont vécu et vivent des choses bien plus difficiles. Non, là où c’est plus compliqué, c’est le rapport avec la police, le contrôle au faciès, ou encore le racisme ordinaire très présent, même au sein de la société civile. Détenteur de bien des anecdotes vues et vécues, comme toute personne racisée peut en vivre tout au cours de sa vie. Tout ceci m’a donc poussé à me pencher sur mon métissage. Car nous n’avons pas de personnages revendiqués métis, qui peuvent servir « d’exemples », nous n’avons pas un imaginaire dans lequel nous pouvons nous identifier pleinement, pour comprendre et vivre ce métissage. Lui qui est le fruit d’une histoire, l’histoire de pays dominés et de pays dominants, une histoire de race, de supériorité et d’infériorité. Et tout ceci, dans l’imaginaire collectif, est encore très présent. C’est difficile de trouver sa place, lorsque l’on est métis. Ainsi, comprendre ce mot, comprendre ses origines, c’est cela qui m’a poussé à écrire cet ouvrage, et c’est pour cela également, que furent visitées, les questions d’identité(s). Le métissage fut donc un pont, et une porte d’entrée vers ces vastes questions, et il était pour cela, tout indiqué. Partant déjà d’une case vide, au carrefour de deux couleurs qui n’existent pas en soi, uniquement par comparaison, être métis, soit se subit, soit se vit comme l’éloge de la liberté, l’affranchissement de toutes les questions relatives à l’imaginaire des nations.
Après avoir exploré les identités, après avoir vu que le Je est une image projetée, entre un rapport à ses propres émotions, ses rêves, et une image de soi, nourrie du regard des autres, la deuxième partie se nomme « Sous les masques ». Elle fait allusion à l’idée que l’identité est souple, malléable comme l’argile, et la personne que nous considérons être, bien souvent, est le fruit d’une culture, d’un imaginaire collectif, individuel, et surtout, la volonté de projeter une image, pour se protéger, se mettre en valeur, ou l’inverse. Cette partie est donc une invitation à aller de la surface aux profondeurs, pour démasquer l’identité, et se rendre compte qu’en dehors de bien des facteurs produits par nos sociétés, l’essence de l’être n’est rien de plus que du vide. On peut tout être, on peut s’identifier à tout ce que l’on veut, l’être est libre. Déconstruisant les questions de genre, dénonçant certaines choses que la société provoque, de la politique en passant par la culture, le métissage devient donc l’éloge de la liberté, lorsque l’identité est démasquée.
Ensuite, la troisième partie se nomme « Pont et imagination ». Ici, il s’agit de libérer l’imaginaire individuel et collectif, pour créer de nouveaux paradigmes, de nouvelles opportunités, pour soi et pour l’humanité, les deux interreliés et se réfléchissant à chaque instant. Pour ce faire, la poésie est tout indiquée, permettant, par la métaphore, la beauté de la rime et la fluidité, par le pont entre le rationnel et l’abstrait, de jouer avec les mots, et de faire chanter nos rapports au monde.
Enfin, la dernière partie se nomme « Le Voyage ». Elle est une triple invitation : tout d’abord, elle invite à percevoir la vie sous l’angle du Voyage avec un grand V. Ce temps où l’on parcourt, explore, découvre, et s’émerveille en faisant tout cela. Ensuite, elle invite à voyager vraiment, de façon géographique, visiter les cultures, partir à la rencontre du Monde. Et enfin, c’est une invitation à se visiter soi-même, partir à l’intérieur de soi, pour comprendre ce que nous sommes vraiment, et à quel point, du ciel étoilé aux atomes, il n’y a qu’une peau et un peu de chair, qui nous séparent.
Comment avez-vous connu les éditions Stellamaris ?
Lorsque j’ai écrit mes deux premiers ouvrages, intitulés La Maison et La Source. Je cherchais une maison d’éditions qui publie des recueils de poésie, et j’ai eu la chance de découvrir celle-ci. L’éditeur est quelqu’un que j’apprécie beaucoup, très ouvert et très à l’écoute, également très gentil. Ceci, d’autant que nous nous sommes rendu compte que nous avons à cœur un grand point commun : cette quête de l’essence de l’être. Il y a également une affinité certaine dans nos démarches personnelles, spirituelles, mais également à travers la plume. J’apprécie de travailler avec lui, et cela fait un peu plus d’un an, déjà.
Pour vous, le métissage est un pont ? Pourquoi ?
Oui, un pont, comme la poésie ! Entre les toutes les questions d’identité(s), et, en explorant ces dernières, un pont entre l’imaginaire des nations (et l’imaginaire en général), et le réel. Un pont entre le corps et l’esprit, entre les idées, et les cultures. Car à l’origine, le métissage est le fruit d’une histoire, et d’une construction artificielle. Être noir ou blanc n’existe pas, ailleurs que dans la comparaison. Il existe bien des nuances de couleurs, claires ou foncées, colorées, mais noir ou blanc, étymologiquement, c’est déjà par nature, biaisé, faux. Personne n’a la couleur d’un ciel sans étoiles, ou d’une feuille de papier. Et puis même, par rapport à qui sommes-nous plus noir, ou plus blanc ? Par rapport à l’Autre, donc, par comparaison avec celui-ci. Personnellement, j’ai longtemps mal vécu le fait que l’on me rappelle que ma couleur était différente. Parce que je l’oubliais, tout simplement. Me rappeler que ma couleur est différente, c’était pour moi attacher une importance dans quelque chose qu’il ne me venait même pas à l’esprit de relever chez moi. C’était comme créer un problème à partir de rien, créer quelque chose qui n’existait pas dans mon regard auparavant.
Ainsi, le métissage étant le fruit de quelque chose de totalement artificiel, et d’une histoire, de cultures et d’un imaginaire, trouver sa place en est soit un fardeau, soit un acte de liberté. La France par exemple, très assimilationniste, n’admet que difficilement les différences d’origine(s), et de cultures autres que la sienne. Pourtant, paradoxalement, ses propres institutions ont créé et marqué, à travers l’histoire, avec la science et la religion (non ensemble, mais chacune à sa façon), et pour des intérêts économiques, à une certaine époque et encore aujourd’hui (sauf la science qui heureusement, est revenue sur ses erreurs. Mais pensons à A. de Gobinau, et bien d’autres, et les tragédies qui en ont découlé), une différence raciale, dont nous, enfants de cette histoire, héritons. Les questions de genre et d’origine(s) sont pleines de nœuds, source de conflits, ainsi, le métissage, s’il est le fruit d’une recherche intérieure, peut être un pont pour dénouer tout ça, se libérer soi, et apporter à nos sociétés, d’autres rapports à elle-même, la réconciliant, par le présent, avec son passé, et porter vers un avenir en commun positif. Le métissage est aussi un voyage. Géographique, d’abord, puis intérieur. Plongeant dans l’exploration du corps, jusqu’à ce que les étiquettes imaginaires des nations s’effacent dans la chair, le sang, le vivant. Jusque dans le souffle. Jusqu’à la bibliothèque des secrets, ce trésor qui se trouve en chacun.e de nous.
Enfin, j’ajouterai que dans un monde qui érige des murs et des frontières, à toutes les échelles, des nations aux individus, plus que jamais, nous avons besoin de ponts.
Comment vous identifiez-vous désormais, depuis cet ouvrage ? Toujours en temps que métis ?
Très bonne question ! Alors, oui, je m’identifie toujours en tant que métis, par mes origines, par mon nom, prénom, et, lorsque l’on parle de mon travail, par mon nom d’auteur. Mais disons qu’au-delà de tout ça, je me sens davantage libéré de toutes ces questions d’identité(s), et de genre. J’ai le sentiment d’avoir rencontré, d’avoir connaissance de ce que je suis réellement, au plus profond de tout mon être. Mon rapport à l’idée s’affranchit, je pense que l’on est tout ce que nos sens perçoivent, que les corps ne sont pas une frontière nous séparant les uns des autres. Tout ceci est artificiel. Certes, nous habitons notre chair, certes, nous disons Je, mais tout le monde dit Je, alors, qui est-il vraiment ? Une émotion qui me traverse, une histoire différente en fonction de chacun, un point de vue différent, un regard parfois opposé, tout ceci n’est que l’oeuvre des mots, d’une culture, tout ceci n’est qu’apparence. En profondeur, tout ceci n’existe pas, ou peut se nommer autrement. Je sais qu’en disant ces mots, je pars vers un domaine plus abstrait, mais c’est parce que les mots sont les limites de certaines choses qui ne peuvent s’expliquer, mais se vivre, tout simplement. Encore un exemple que je fais de mon métissage, un pont vers ce que je perçois en moi comme l’essence de l’être, la liberté de se définir, du ressenti à la chair, de la chair à l’idée. De l’abstrait au concret, et inversement. De la société, au cœur de soi.
Qu’aimeriez-vous que ce recueil apporte ?
J’aimerais qu’il permette de se mettre à la place de l’Autre. De chercher à relativiser, même les croyances les plus solidement ancrées. Inviter à se déconstruire, et à percevoir la société différemment. Ceci, ne partant pas de nulle part, mais bien d’une réelle expérience vécue, et mise en mot. Comprendre, par le métissage, les tensions et incohérences d’une vie en commun qui se cherche, et qui est en proie aux rapports de domination, est esclave d’elle-même, emprisonnée par une histoire dense, qui est hélas, bien souvent refoulée, qui n’est pas regardée en face. Réconcilier les trois temps et tenter de proposer, à travers ce recueil, de nouvelles façons de percevoir son rapport à son propre corps, sa place en société, tout en tentant de masquer et jouer avec les imaginaires qui nous façonnent, dans nos quêtes respectives d’identités. Déconstruire et s’ouvrir, effacer la frontière de nos individualités, je pense que c’est l’intention première de ce travail. Ceci, pour partager l’optimisme de voir un monde différent, cet idéal qui anime chacune de mes œuvres.
Dernière question : et pourquoi un hippocampe ?
(Rire). L’idée de choisir une illustration en décalage avec le sujet initial me plaisait bien, ceci, surtout pour dénoncer le fait de toujours vouloir mettre du sens et de la cohérence dans ce que l’on fait. J’avais envie de mettre un hippocampe ici, point ! Oui, cette idée me plaisait bien, profiter de ce petit plaisir pour exprimer ceci. Car cette critique se retrouve très présente dans mon travail. Ce rationalisme dévorant. N’étant pas un fervent défenseur de l’obscurantisme non plus, attention. Cependant je pense que la justesse, l’équilibre entre raison et rêve, abstraction, absence de sens, est un bon équilibre, qui fait du bien. Et que c’est, à mon sens, ce déséquilibre, qui provoque le monde tel qu’on le connaît. On a besoin d’une petite dose de raison, et une petite dose de magie aussi, pour s’émerveiller, apprécier les choses pour ce qu’elles sont, sans forcément avoir besoin de leur donner du sens. Là je pars très loin, mais cet hippocampe, en décalage initial avec le métissage, m’a servi à la fois à mettre une image qui me plaisait, et en même temps, me permet d’en profiter pour dire ceci. Après, on peut dire que je mets moi-même du sens à cet hippocampe (rire), mais non, le sens premier, c’était vraiment et sincèrement, le fait d’avoir ce bel animal en image pour cet ouvrage.
C’est aussi, parce que lorsque j’étais petit, c’était un de mes animaux préférés. Je remercie ma sœur Hélène (Inkoala) d’avoir réalisé cette illustration. Et au final, contre toute attente, un poème de l’ouvrage se nomme l’hippocampe (rire).
Voici quelques poèmes de présentation de l’oeuvre :
Identités multiples
Identité unique
Je peux être noir pour les blancs, blanc pour les noirs
La couleur oubliée, sans cesse rappelée.
Les sentiers de l’identité et un miroir
Le regard des autres, dans l’ombre projetée.
Ces sociétés, rigides et dépassées
Peinant à concevoir les formes de mixité.
Voici quelques mots métis pour un sentiment
Une différence remarquée constamment.
Qui suis-je ? Un français d’origine Togolaise ?
Aux traits dessinés par les terres Libanaises.
Que faire de ces sentiments de différence
Ces couleurs, et ces mélanges de mon enfance ?
Vivre des paradoxes, la vie de métis
Alterner entre la lumière et les abysses.
Le regard des autres et une identité
Multiple et complexe lors des fragilités.
Les Sociétés aiment mettre dans des cases
Prison des nations, imagination.
Des croyances étriquées et des préjugés
Des jugements, des yeux, et un dévisagé.
Métis, notre identité est la liberté
Affranchi de l’imaginaire des nations.
Le monde et la vie, en unique parenté
Être soi-même en unique solution.
Chacun a sa propre culture
En soi, cultures et croyances se mélangent
De Thor aux fétiches, des fétiches aux anges.
La vie est inspirée, le corps est un terreau
L’eau de source nourrit, et n’est jamais de trop.
Chaque culture porte beauté et fardeaux
Les idolâtrer peut priver de liberté.
Les idées inspirées, de fabuleux cadeaux
Dans les corps, quelques graines à faire germer.
Les humains sont des éponges, absorbant le monde
En parcourant les nations comme une sonde.
De nos amis aux ethnies, jusqu’à nos lectures
Chacun est unique, et a sa propre culture.
Carte
Je ne suis pas un homme, ni même une femme
Une tige si fine où s’embrase une flamme.
Ma carte d’identité, bout de vérité
Est aussi une prison qui m’est imposée.
La biologie, un argument dangereux
Haine et ignorance peuvent répandre un feu.
Le genre, comme bien d’autres choses encore
Sont des questions d’identités dans un corps.
Ainsi pouvoir tous et toutes se définir
Parfois,
Être un homme ou être femme ne veut rien dire.
Météore, Déesse, ou un mot inventé
Oui, uniques sont les cartes d’identités.
La parole des dominé.es
L’histoire des vaincu.es
Faire ressentir à quelqu’un sa minorité
Faire naître une différence, l’accentuer.
Séparer par le travail, par la géographie
Le rejet des communautés, et leurs habits.
Etouffer la parole, « invisibiliser »
L’oppression. Oui, il est interdit d’en parler.
L’histoire est réécrite, et l’ordre est établi
Récit des vainqueurs, le reste s’éteint dans la nuit.
L’invitation à se réapproprier
La parole confisquée, celle des opprimé.es.
Quiconque impose une histoire dirige les pensées
L’heure aux œuvres égales, une équité exaltée.
Afrique, mère de tous les foyers.
Soleil rouge levé, s’imprime sur la Terre
Sa chaleur rend la vie rare et précieuse.
Forêts et cascades, déserts et la poussière
Milles et un paysages, maison silencieuse.
Ces terres continuent de croire en la beauté
La magie rythme tambours et danses jouées.
Des liens invisibles nous relient aux choses
Le rire nous porte, le chant de notre osmose.
Voici une maison, foyer d’humanité
Un trésor d’amour, de partage et d’amitié.
Tant de cultures, de choses à célébrer
C’est l’Afrique, la mère de tous les foyers.
La vie claire
La tristesse est une joie intensive
L’euphorie est une colère excessive.
Les humeurs grises sont toutes colorées
L’amour est de la peur désaffectée.
Les tempêtes sont les cordes de la Kora
Les vagues sont lac, et immobile trépas.
Les silences sont un vent, douceurs d’une brise
Le sel est tel un ciel bleu qui se cristallise.
L’été c’est une tempête glaciale
L’hiver, chaleur d’une parade nuptiale.
La vie claire, c’est un changement de point de vue
La frontière entre opposés qui se sont tus.
La seule chance d’être né ici
La seule chance d’être né Français, un passeport
Me permettant d’aller partout, et mon corps
Français, possède une valeur particulière.
La seule chance d’être né ici, pourquoi être fier ?
Si je veux aller quelque part, on dira oui
Malgré la couleur, les intentions aussi.
Un privilège dont je n’ai aucun mérite
La géographie, une chance dont j’hérite.
D’autres meurent en mer, ou deviennent esclaves
Pour tenter d’avoir un bout de ce privilège.
Ma grand-mère fut refusée ici, la raison est grave :
Elle est Africaine, une origine comme entrave.
Poème ébène
La peau ébène souvent haïe, détestée
Par violence et croyances d’humanité.
Une peau foncée, prétexte religieux
L’éloge des barbares, inhumain et orgueilleux.
Alors, pourquoi ne pas provoquer un petit peu ?
Mettre des miroirs pour réfléchir la bêtise.
Qu’une empathie se réveille en chacun d’eux
Que la sottise malheureuse lâche enfin prise.
Vive les pinceaux, et vive les murs repeints !
Messages transmis un peu partout dans les rues.
Vive les discours saillants, le coeur sur la main
Ces tripes accusant justice qui s’est tue.
Repeindre les statues en noir, au nom d’Afrique
Provoquer le monde par sa propre ignorance.
Casser les boucles de croyances mécaniques
Enfin offrir autre chose que la souffrance.
Vive la couleur ébène ! Aux milles nuances
La peau fait de la bêtise une eau de jouvence.
Tant de poids, tant de peines, mais une chance immense :
L’universalisme africain, une imminence.
Regard oppressif
Dans les trains, métro, dans la vie de tous les jours
Certains regards sont ignorants, ou insistants.
Sans une perpétuelle dose d’amour
Un visage bienveillant peut rencontrer l’oppressant.
Idem, je vois mes cheveux, la couleur foncée
Être la cible préférée des policiers.
Souvent être noir, c’est comme être un étranger
Une haine et un Etat, des vies matraquées.
Les discours politiques sont souvent haineux
Le vivre ensemble hélas jeté aux oubliettes.
Nous stigmatiser, parler d’un Vous et d’un Eux
Camoufler l’oppression, un mur de paillettes.
Ici les métis savent éperdument
Ce que peut faire ressentir la différence.
En nous rappelant que nous ne sommes pas blancs
Dans certains domaines, être à part est la sentence.
Passer d’une ignorance à une connaissance
A toute épreuve, l’étendard de la tolérance.
Offrir l’inverse, donner le plus beau de soi
Se libérer des cases, la vie en émoi.
L’intolérance est le jugement des formes
Elle dépasse la couleur, le genre, toutes les normes.
L’ignorance se combat par une main tendue
Déjouer le piège des apparences, affiner sa vue.
Douleur
Être métisse, et au carrefour des croyances
Isolé ou intégré, ces mots n’ont aucun sens.
Etant étrangers, même parmi les nôtres
Ou parfois aimé, en exception toute autre.
Considérés comme à part, tout un regard diffère
Un oeil doux comme mousse, ou dur comme du fer.
Mais malgré tout, en ressentant les injustices
La douleur, le rejet en un lieu propice.
Parler des injustices faites aux femmes noires
Le monde entier les érigeant en ennemi.
Couleur ébène, jalousie et peau haïe
Poids de l’humanité, épaules de l’espoir.
Il y a aussi tous ces hommes et ces femmes
Critiqués pour la danse et formes de leurs flammes.
Des idées aux rondeurs par des laideurs normées
Aux différences rejetées, et sexualité.
L’égoïsme, ne pas se sentir concerné
Est comme le fléau sanglant de l’ignorance.
De chaque vie, nous sommes toute une moitié
Et notre coeur possède cette clairvoyance.
Elles
Il était une fois, un monde dictateur
Fait de barbe, de costumes noirs, visages sérieux.
De sourcils froncés, et d’un air victorieux
Les tyrans d’une moitié, vies d’un oppresseur.
Qu’ont-ils ? Sont-ils jaloux du pouvoir de créer ?
Terrible sentiment d’infériorité ?
Ils ont érigé tout un monde asservissant
Celui dont tout leur être est composé, pourtant.
Pourquoi ? Mais pourquoi donc leur faire autant de mal ?
Qui mérite d’être harcelée, violée ?
Elles sont libres de leur corps, libre d’aimer
Libres d’être paysage, maison ou cathédrale.
Ces images dégradant leurs identités
Ces mains sur les hanches, ces paroles coupées.
Volontés étouffées, au nom du "sexe fort"
Ces violences sur les mots et sur les corps.
Tous ces poils qui n’ont guère le droit d’exister
Ces formes dictées par des normes imposées.
Tous ces désirs pervers si durs à réfréner
Un système masculin et des opprimées.
Dans le monde entier, toutes les femmes sont tues
Les religions et les pouvoirs les mutilent.
Des lois aux armes, et du corps au plus subtil
De grands fardeaux tout le long d’une vie vécue.
Ces mots sont ceux d’un homme, aussi un oppresseur
Distillant dans les mots et les actes d’un chercheur.
Se déconstruire n’est pas tant un sacrifice
Si les rapports humains deviennent un solstice.
Chers hommes, nous avons à prendre conscience
Que nous baignons dans notre domination.
De la politique en passant par la science
Même dans l’ordinaire, ainsi que nos maisons.
En vivant plusieurs discriminations
Notre tête comprend d’avantage les choses.
Mais le coeur, lui qui bat sans aucune raison
Connaît les liens qui nous unissent, l’osmose.
Se déconstruire, et vider le sens des mots
Homme et Femme ne s’opposent que dans la culture.
Forgeant identités, et cachot dans les bateaux
Société bâtie, prouesses et des ratures.
Le rapport au corps
Voila un bout de chair, de viande ou de pensées
Où quelques émotions se sont invitées.
Il y a ces petits défauts, détails jugés
Mon propre regard, l’importance inégalée.
Il est inscrit nul part qu’il est mien, m’appartient
Et pourtant il n’est guère aisé d’en prendre soin.
Tous mes désirs ne sont pas forcément les siens
Partie rebelle qui veut se faire du bien.
Ma tête adorant cristalliser des images
Le reflet des miroirs empêche tout passage.
L’air en identité est vite remplacée
Par cette idée d’un Moi, en être singulier.
Il est un fossé entre image et réalité
Des cellules donnant l’illusion d’une peau.
Aux atomes, rendant caducs le vrai et le faux
Le vide règne en maître, le coeur est son bien-aimé.
Que se passe-t-il si l’air devient l’identité ?
Et que le regard qui foule tout ce corps change ?
Et s’il devenait la maison, ou un foyer ?
Une oeuvre d’art, un temple, ou un nid de mésanges.
Atakpamé
Des collines à la peau rouge, des poils verts
Des ponts, des ruisseaux, des camions et motos.
Le centre d’un pays, où se mélangent les mots
De l’Ewé à l’Ifè, des rimes pour ces vers.
Des échassiers s’élancent, visage masqué
Et les sorcières reviennent de la forêt.
Tête de coq à la bouche, tambours joués
Les ancêtres s’éveillant d’un livre muet.
Lomnava, ma famille, un quartier de la ville
Une maison coloniale usée par le temps.
Un autre quartier, une décharge immobile
Où les chiens errants viennent se faire les dents.
Atakpamé, ciel bleu et terre rougeoyante
Termites, grands arbres, forêts luxuriantes.
Une pluie diluvienne de dix minutes
Un lézard, des écailles sur une route abrupte.
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