Le 17 janvier 2018, le gouvernement a annoncé l’abandon du projet de nouvel aéroport du Grand-Ouest à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) ainsi que l’expulsion de gré ou de force des habitants sis sur cette emprise dite de la « ZAD de Notre-Dame-des-Landes ». À compter du lundi 9 avril 2018, le gouvernement et la préfecture des Pays-de-la-Loire ont eu recours à la force publique pour procéder à l’expulsion et à la destruction systématique des lieux d’habitation présents.
Les jours suivants, répondant à l’appel lancé par les différentes composantes du mouvement anti-aéroport, plusieurs dizaines de milliers de personnes convergeaient sur la “ZAD de Notre-Dame-des-Landes”. Selon le collectif « Vigizad », à l’initiative d’une saisine collective du Défenseur des droits, 272 personnes furent blessées lors de l’opération de maintien de l’ordre au cours de laquelle 11 000 grenades ont été tirées par les gendarmes, soit une moyenne de 1400 grenades par jour. Parmi ces grenades, les grenades lacrymogènes instantanées, GLI-F4, produites par SAE Alsetex, qui comportent une charge d’explosif (TNT) produisant une très forte déflagration lors de son explosion (165 décibels à 5m) et dont la France est le seul pays européen à faire usage.
C’est dans ce contexte que, Marie Astier, journaliste à Reporterre, Cyril Zannettacci, photographe pour Libération, Jean, Corentin et Hortense, étudiants, maraîchers, cuisiniers et jeunes parents, ont été blessés par l’explosion de grenades GLI-F4. Jean, Corentin et Hortense étaient venus, la semaine du 10 avril 2018, en soutien à la pérennisation des formes de vie alternatives expérimentées sur la “ZAD de Notre-Dame-des-Landes”. Tous trois ont été touchés par des grenades GLI-F4 alors qu’ils se tenaient à distance des forces de l’ordre.
Marie Astier et Cyril, présents sur les lieux pour documenter la fin de la “ZAD de Notre-Dame-des-Landes”, ont été blessés par l’explosion de grenades GLI-F4, alors qu’ils agissaient dans l’exercice de leurs fonctions et que leur qualité était apparente. Leurs blessures sont diverses mais toutes d’une extrême violence : chaires et membres arrachés, éclats métalliques de grenades incrustés de manière définitive dans la peau, fractures, brûlures au troisième degré ayant nécessité des greffes de peau.
Les méthodes employées par les force de l’ordre ces jours-là ont été abondamment documentées et dénoncées, tant par les journalistes qui couvraient l’opération que par les soutiens et habitants de la ZAD qui les subissaient. Selon de nombreux témoignages, ces grenades excessivement dangereuses étaient lancées de manière anarchique, souvent sans que les gendarmes aient la moindre visibilité sur leurs « cibles » et au-delà de toute proportionnalité vis-à-vis de la « menace » à laquelle la préfecture prétendait répondre.
Le lundi 22 octobre 2018, cinq requêtes en référé expertise seront déposées en leur nom auprès du tribunal administratif de Nantes aux fins de voir désigner un collège d’experts qui aura pour mission de déterminer l’origine et les conséquences des blessures infligées par des explosions de grenade GLI-F4. Il incombera ainsi à l’expert en balistique désigné de se prononcer sur les conditions d’exécution et de gestion de l’opération de maintien de l’ordre, et d’établir si l’usage des grenades était conforme à la réglementation en vigueur. Il devra, pour ce faire, notamment obtenir communication de l’instruction relative aux grenades GLI-F4 pour l’heure réservé à la diffusion interne. Le rapport in fine déposé sera également l’occasion de préciser la dangerosité des grenades GLI-F4, dont le Défenseur des droits et l’Association chrétienne pour l’abolition de la torture ont déjà dénoncé l’utilisation. Il appartiendra, par ailleurs à l’expert médical d’évaluer le préjudice résultant des blessures causées par l’explosion des grenades GLI-F4, ainsi que le préjudice moral qui en est résulté et qui subsiste encore : stress post-traumatique, troubles du sommeil, crises d’angoisses, hypersensibilité au bruit...
C’est sur la base des rapports d’expertise que les cinq blessés saisiront, à nouveau le tribunal administratif afin d’engager la responsabilité de l’Etat et d’obtenir la réparation du préjudice qu’elles ont subi.
Contrairement aux plaintes pénales qui visent à obtenir la condamnation individuelle des membres des forces de l’ordre, et qui n’aboutissent que très rarement, ces recours administratifs engagés contre l’Etat permettront, outre d’obtenir l’indemnisation du préjudice subi, de remettre en cause l’opération de maintien de l’ordre, les moyens déployés et la chaîne de commandement qui a conduit au dommage.
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