Nous écrivons ce texte pour raconter notre expérience d’une Garde À Vue (GAV) suite à une ouverture de squat. La GAV ne s’est pas du tout déroulé dans les règles du droit, et il nous a semblé intéressant de montrer que la police ne cherche pas spécialement a respecter les lois qu’elle est censée protéger, mais que son but est surtout de défendre les bourgeois multi-propriétaires.
Début avril, nous étions en train d’emménager dans notre domicile, un squat récemment ouvert à Fontaine. A peine arrivé.es nous sommes interpellé.es par la charmante voisine "vous faites quoi ? vous êtes locataires ? on a vu des gens traîner récemment, la police est prévenue, on voudrait pas que ça devienne un squat !". On continue notre emménagement malgré les menaces, quelque peu interloqué.es, sachant qu’on était dans notre droit.
Au bout d’une demi-heure, et toujours sous l’oeil suspicieux de la voisine, une voiture noire suspecte ralentit à plusieurs reprises devant la maison, avec quatre têtes rasées peu commodes, qui nous cherchent du regard. Ils finissent par s’arrêter, à descendre de la voiture, puis à marcher comme des cowboys corpulents en jean bleu et haut noir, en se dirigeant vers le portail arrière de la maison.
Arrivés à la porte d’entrée, l’un d’eux commence à crier "c’est la police, ouvrez !". On a reconnu à leur allure et leur subtilité que c’était des agents de la Brigade Anti-Criminaité (BAC).
Nous sommes trois à être derrière la porte, à leur répondre naïvement qu’on est dans notre domicile, qu’on ne comprend pas ce qu’ils nous veulent, en leur disant qu’ils nous font peur.
Ils ont montré leur carte de police, ce qui ne nous a pas informé de ce qu’ils voulaient faire.
Instantanément le ton est monté, à coups de "bande d’enculés !" et autres insultes homophobes. Ils ont vociféré également des menaces de mort : "on va te scalper", etc. Un échange intense.
Un d’eux a essayé de casser la porte d’entrée à coups de pieds sur la serrure, sans réussir. Un autre a fait le tour de la maison et est rentré rapidement en défonçant la porte arrière.
Il est alors arrivé en furie directement vers un copain en lui donnant une grosse claque qui l’a sonné. La copine est sortie de ses gonds et a hurlé pour leur dire de se calmer et a alors poussé le flic qui l’a mise au sol. Leurs injonctions étaient confuses et contradictoires, sans suivi : "debout, assis", on fouille l’un, on fouille pas l’autre, on nous dit de pas bouger puis on se déplace dans la pièce sans qu’ils ne disent rien, ils demandent de ne pas toucher nos affaires mais finalement on peut les prendre.
L’autre copine était restée en haut cachée derrière une porte, et a entendu un flic bondir les marches en hurlant "il est où le quatrième ?". Il est redescendu sans la trouver.
Ils tenaient un discours pro-propriété privée avec des menaces qui peuvent sembler disproportionnées : "si tu fais ça chez moi, je te jure j’appelle pas les flics, je te mets les pieds dans le béton et je te coule dans l’Isère" (même les flics n’ont pas confiance en la police).
La copine répétait aux flics qu’elle avait une preuve, une enveloppe timbrée datée, prouvant notre domiciliation, ils n’ont jamais accepté qu’elle la montre. Entre de nouvelles menaces, insultes sexistes et homophobes, ils nous disaient "c’est pas nous les voyous" et juste après ils menaçaient de nous tabasser.
Quand on leur a parlé de difficultés sociales et économiques pour expliquer les raisons de squatter, un d’eux semblait tenir à nous raconter un traumatisme vécu dans son passé, où il avait tenté de réanimer un bébé mort, dans le but de justifier le fait que lui aussi, il sait ce que c’est de vivre la misère.
Au bout d’un certain temps l’un d’eux a malheureusement eu la présence d’esprit de bien vérifier qu’il n’y avait personne d’autre aux étages, ils ont trouvé la copine cachée et l’ont fait rejoindre les autres.
Ils étaient préoccupés par le fait qu’on aurait pu avoir des armes pour les attaquer.
Assez vite ils ont demandé de quelle association on faisait partie, ils ont demandé si c’était le DAL.
Ils nous ont signalé qu’ils connaissaient la propriétaire de la maison, une vieille dame. Rappelons que cette maison est vide depuis 5 mois et anciennement en location, et que le courrier n’a pas été relevé depuis des mois, ce n’est donc pas le domicile de cette propriétaire.
Ils n’ont pris aucune note, ont a peine cherché des papiers. Ils étaient là uniquement pour nous expulser. Leurs ordres étaient encore confus, c’était pas clair si on allait en procédure de vérification d’identité ou en GAV.
On a demandé à sortir nos affaires et ils ont accepté facilement : à notre tour de défendre nos propriétés privées. Deux copaines qui avaient été prévenues étaient sur le trottoir en face de la maison et on a pu leur donner tranquillement nos affaires.
Les renforts de la BAC et de la police municipale sont arrivés pour nous emmener au poste.
Pendant ce temps, les voisaines se réjouissaient de la scène assis·es sur le salon de leur terrasse. Par la suite iels insulteront toustes les copaines venu.e.s en renfort, entre autres de « parasites ». Les « autorisant » à venir récupérer les affaires qui restaient dans la maison, iels leur lançaient des menaces de mort s’iels avaient le malheur de mettre un pied dans l’impasse.
Dans la voiture, les baqueux nous incitent a squatter plutôt des bâtiments municipaux ou des logements sociaux, dans le quartier de l’Alma qu’ils connaissent bien, sans toutefois accepter de nous donner la liste des logements vides. On leur explique que s’ils nous laissaient dans ce type de bâtiments, on n’aurait pas besoin d’essayer dans le privé, mais ils n’ont pas l’air réceptifs à l’argument.
On leur demandait à plusieurs reprises où ils nous emmenaient, sans obtenir de réponse.
On s’est alors retrouvé à 4 dans les locaux de la BAC, ambiance nationalo-viriliste. En arrivant ils nous ont dit qu’on allait recevoir "des coups d’annuaire" pour nous accueillir.
On les saoulait en réclamant bruyamment : "on veut de l’eau", en criant toujours plus fort et en tapant des mains. On n’a jamais eu de verre d’eau. L’un d’eux nous dit : "alors je vous préviens, ici vous êtes privé.es de tous vos droits". On a éclaté de rire en leur rappelant leur peu de connaissance de la loi. S’en est suivi insultes sexistes, menaces et sarcasmes.
A un moment l’Officier de Police Judiciaire (OPJ) vient, il nous demande « noms, prénoms, date de naissance ? » on ne répond pas et il part sans rien dire d’autre. On apprendra plus tard que c’était censé être la notification de nos droits, de ce qui nous était reproché et du motif de la GAV, ce qui a été consigné dans un PV assorti de la mention « refuse de signer ».
Alors chacun.e notre tour on nous a emmené.es en fouille d’entrée puis en cellule, sans jamais nous notifier notre mise en garde à vue et nous rappeler nos droits. Quand on le leur a signalé on s’est fait traité de "prof de droit".
Chacun·e a été enfermé.e dans une cellule séparée, deux d’entre nous étaient à côté et ont pu discuter le long de la GAV, les deux autres complètement isolés dans des couloirs différents.
Quand on a demandé à voir un avocat, l’OPJ a répondu qu’on n’avait rien demandé « à part de l’eau » (qu’ils ne nous ont même pas donné). On a toustes tenu le même discours, c’est-à-dire qu’ils ne nous a jamais notifié de nos droits à voir un avocat et un médecin et qu’on ne souhaitait pas répondre a leurs questions.
L’OPJ a dit à une copine "pour moi vous n’êtes qu’une chose" (parce qu’elle ne donnait pas son nom), ce à quoi elle lui a retourné le compliment et il semblait être touché par la remarque en disant "je sais très bien ce que vous pensez de nous".
Un copain tapait pendant des heures pour obtenir un avocat, un médecin, à manger, et s’est alors fait confisquer ses chaussures, le gobelet, la couverture puis le matelas.
Les autres faisaient pas mal de bruit en tapant, en chantant.
Une copine avait un bruit de ventilation insupportable qui lui donnait des maux de crâne et a réclamé plusieurs fois aux flics puis à l’avocate et au médecin de changer de cellule mais ça n’a jamais été accepté.
On a toustes eu un·e avocat·e différent·e, avec plus ou moins de bons conseils.
Nous avons appris le motif de la GAV vers 19h-20h en voyant les avocats : "vol en réunion avec effraction", ce qui était totalement erroné et irréaliste (la maison n’était pas meublée avant l’installation).
Trois ont eu leur audition avec l’OPJ le soir même, la 4e le lendemain matin. Une des questions posées était "Vous vous trouviez dans une maison avec des dégradations qui ont été constatées. Que pouvez vous dire de ça ?"
Concernant nos stratégies durant l’audition, nous avons choisi de ne rien répondre, rien signer, etc. Ils n’ont pas été surpris par ça, voire ils s’y attendaient et ne prenaient même plus la peine de nous présenter les papiers, y compris le PV de sortie qu’on a pourtant réclamé.
Par contre, leur faire perdre du temps peut être assez réjouissant (ils ont beaucoup de dossiers à traiter), en leur faisant croire qu’on veut bien entendre les questions pour peut-être y répondre (et ça permet d’avoir des informations sur ce qu’ils cherchent). Ce genre d’affaires classées sans suite sous X leur fait perdre du temps sur d’autres affaires.
Le matin, on nous a demandé nos empreintes et photos, ce que nous avons refusé.
On est sortis en même temps au bout de 21h de GAV. Le motif ne tenait pas la route (vol avec effraction), ils ne nous ont donc pas gardé plus longtemps. C’était purement et clairement une garde-à-vue punitive, sans aucune raison valable.
Sortir sous X, les flics aiment pas, ça les agace, au point de faire des faux en écriture. Pour nous par contre, c’était plutôt satisfaisant. Par contre, quand on a vu les contrôleurs monter à bord du tram, on s’est dit que c’était peut être pas très malin de ne pas avoir pris de ticket.
Vos camarades,
X1, X2, F1 et F2
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