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Retour sur l’expulsion au parc alliance

Depuis plusieurs mois, plusieurs dizaines de personnes, d’origine macédonienne et albanaise occupaient le centre du parc de l’Alliance à Grenoble. Iels avaient monté des tentes et des cabanes de fortune. Des personnes voisines, institutionnelles ou militantes passaient de temps en temps pour aider les habitant.es du parc.

Depuis mi-novembre, les conditions climatiques se sont bien dégradées (froid, pluie, neige). La température matinale des 27, 28 et 29 novembre était d’environ – 8°C. Les enfants du camp ont particulièrement souffert du froid, dont un qui a dû être hospitalisé. Les pouvoirs publics, malgré le froid ont refusé de prendre en charge leur mise à l’abri. Cette situation intenable à poussé les habitant.es à prendre des mesures elles-mêmes pour trouver un hébergement.

Une partie du camp n’ayant pas réussi à se reloger, iels ont à appelé à une réunion de soutiens le mardi 30/11 à 17h30. Lors de cette réunion il a été décidé d’occuper la bibliothèque municipale Alliance qui jouxte le parc pour mettre à l’abri les habitant.es à l’heure de la fermeture vers 19h.

Comme prévu, avant l’heure de la fermeture, les occupant.es du parc et leurs soutiens entrent dans la bibliothèque et refusent d’en sortir. Suivant le protocole « de crise » de la bibliothèque, la directrice de l’établissement appelle la mairie, puis la police municipale, puis la police nationale pour leur exposer la situation. Les soutiens présent.es appellent également la mairie pour trouver une solution à l’amiable de la situation et demander l’application d’un « plan grand froid ».

Vers 20h30 un équipage de 4 policier.es nationaux, vient constater l’occupation de la bibliothèque. La directrice témoigne de l’absence de violence ou de dégradation lors de l’occupation. Iels essayent d’entrer mais sont refoulés pacifiquement par les soutiens présent.es puis repartent vers 21h.
Enzo Lesour, du cabinet du maire, arrive peu après et nous annonce que l’occupation de la bibliothèque serait tolérée pour cette soirée, que la Croix-rouge était missionnée pour apporter à manger et que des négociations étaient en cours avec la préfecture pour trouver un hébergement pour les occupant.es. Il a aussi convenu avec les soutiens présent.es de rester en contact pour la suite des évènements. Une nouvelle fois la directrice témoigne de l’absence de violence ou de dégradations.
On notera aussi côté presse, la présence du « Dauphiné Libéré ».

Le lendemain, la presse locale continue de passer dans la matinée. Les soutiens présent.es n’obtiennent aucune nouvelle de la mairie malgré plusieurs relances. Yves Raquin, agent de la métropole, une employée du CCAS et la directrice des bibliothèques de Grenoble, passent plusieurs heures à la bibliothèque pour finalement décider de ne pas recenser les habitant.es sous prétexte qu’un recensement de 57 personnes aurait déjà été fait le 29/11. Recensement que les soutiens présent.es savaient être incomplet.

Vers 16h un camion-benne de la mairie avec une grue arrive à l’entrée du parc. Les personnes présentes viennent voir les employés municipaux qui affirment n’avoir pas reçu d’autre instruction que de déposer des barrières autour du camp, ce qu’ils font et repartent. Les soutiens alertés par cette action suspecte commencent à arriver en nombre.

la mairie de Grenoble vient de demander l’expulsion de la bibliothèque, les flics ont gazé les personnes à l’intérieur..

10 minutes plus tard 9 voitures ou fourgons de police et une moto arrivent sur place, se déploient, forcent l’accès de la bibliothèque avec violence et gaz lacrymogène en spray. Ils refusent de montrer leurs ordres ou de donner quelque information que ce soit exepté nous dire que la mairie a porté plainte pour dégradation (dégradations à priori imaginaires). Les militant.es sont violemment expulsés de la bibliothèque, sous la pluie, puis les seul.es adultes du camps, y compris lorsqu’iels accompagnaient des enfants en bas âge, ce qui crée beaucoup de détresse chez les parents et les enfants séparés. Les enfants sont finalement expulsés, certain.es sans leurs chaussures, les pieds dans la boue. Personne n’a pu récupérer ses affaires personnelles. Plusieurs personnes se prennent des coups de matraques et se font gazer par la police, particulièrement zélée tandis que la police municipale assure la circulation autour de la bibliothèque.

intervention policière en vue de détruire le camp

En parallèle à l’opération de police, les soutiens tentent en vain de contacter la mairie.
Face aux violences, une partie des familles prend peur et s’éloigne du camp. La police escorte finalement une personne non-identifiée qui rassemble les familles restantes et leur annonce qu’un bus va arriver et que les familles qui seront appelées devront y monter pour être hébergées. Lorsqu’un des habitant demande la destination du bus, la personne annonce que cette information ne leur sera donnée qu’après le départ du bus. Les familles décident, rationnellement, de ne pas monter dans le bus et se dispersent.

Quelques minutes plus tard un bus arrive, entouré d’un fort cordon de police. La police commence à faire l’appel des familles présentes malgré la présence d’aucun.e des habitant.es du camp avant de renoncer devant l’absurde de la situation.

Le bus repart à vide et les policiers investissent alors le camp abandonné en gazant les soutiens présent.es. Les soutiens demandent à pouvoir récupérer les affaires des habitant.es, suivis ensuite par une famille et deux adultes revenus sur place. La police refuse et les habitant.es repartent se cacher plus loin tandis qu’une pelleteuse et un camion-benne des services municipaux entrent dans le parc.

Les tentes les plus isolées sont sauvées de la destruction par les militant.es ainsi que leur contenu, ce qui occasionne quelques accrochages. Le reste reste inaccessible. Certain.es soutiens tentent de construire une barricade entre les pelleteuses et le camp.

les soutiens mettent des palettes et objets en guise de barricades pour empêcher les engins et policiers d’avancer

L’OPJ déclare le rassemblement des soutiens comme étant un attroupement illégal et leur demande de se disperser. Il commence à faire des sommations avant de se raviser sous la pression des soutiens présent.es pour laisser « 5 min » aux soutiens pour retrouver les habitant.es et leur permettre de récupérer leurs affaires. Finalement il se ravise une nouvelle fois et fait très rapidement deux sommations et ordonne un « bon offensif ». Toustes les présent.es sont forcées de sortir du parc, à travers un nuage de gaz lacrymogène tiré derrière elleux, à coup de spray lacrymogène et de matraques.

Le bulldozer commence à démolir les cabanes et à écrabouiller les tentes avec les affaires personnelles de leurs habitant.es, y compris pour certain.es leurs papiers d’identité et les preuves de leur présence en france depuis 10 ans. Tenu.es à distance par un important cordon de police, les soutiens ne peuvent rien faire.


le campement complétement détruit par le tractopelle, la nuit et le lendemain.

Dans la panique, les familles ont du dormir dehors et les soutiens ont essayé de trouver des solutions en urgence pour la nuit. Malgré nos appels répétés la mairie a refusé d’ouvrir un gymnase.

Notons cet échange avec Céline Deslattes au téléphone, élue Grande Précarité (en arrêt maladie au moment des fait) :

"- alors du coup si je comprends bien les familles vont dormir dehors dans le froid et sous la pluie cette nuit ?
- elle : euh... (silence gêné) et ben.. euh.. oui...
- c’est bien de l’entendre de votre voix"


La suite a été racontée par le communiqué du DAL 38, (à télécharger plus bas), nous la retranscrivons ici, à laquelle nous avons ajouté quelques photos :

En réponse à ce scandale les familles et les soutiens à leurs côtés décidaient d’appeler en urgence à un rassemblement le lendemain devant la mairie de Grenoble et la Préfecture afin d’exiger des explications et surtout des solutions immédiates pour que les habitantEs de l’Alliance ne passent pas une nuit de plus dehors. Le jeudi 2 décembre à 12H plus de 200 personnes choquées et indignées par les événements de la veille ont manifesté leur solidarité et leur colère.

Les familles du camp et leurs soutiens viennent d’aller devant la préfecture pour y être reçu.es... Beaucoup d’attente pour un rdv qui ne mène à rien.

L’attente a duré tout l’après-midi, par un froid glacial, jusqu’à ce que les familles envisagent de passer la nuit sur le parvis de la mairie et que de nouvelles tentes soient dépliées.

Plusieurs centaines de personnes sont réunies à l’hôtel de ville pour dénoncer l’expulsion de la veille.
Une habitante du camp dénonce cette expulsion, le fait que la police ait emmené les enfants en dehors de leurs parents, que leurs papiers et vêtements aient été détruits

En fin de journée, la mairie a fini par annoncer l’ouverture d’une salle municipale pour la nuit du 2 décembre et le lendemain, grâce à une solidarité exemplaire, 42 personnes sont enfin hébergées dans un hôtel à Moirans par la Préfecture de l’Isère et 17 dans des hôtels de la Métropole par le CCAS de la ville de Grenoble. SEULE LA LUTTE PAYE !

Les personnes du camp ont dormi une nuit à la MDH du vieux temple avant d’être logées une semaine dans des hôtels

C’est évidemment une victoire réjouissante, mais la stratégie des institutions pose question. Pourquoi dépenser une fortune pour des hébergements en chambres d’hôtel dont la disponibilité se réduit peu à peu, les conditions d’habitat sont précaires et pas adaptées, et qui aboutiront très probablement à une remise à la rue des personnes, et ainsi à une nouvelle mobilisation… alors que les logements vacants sont là, qu’ils sont 50 000 en Isère d’après l’Insee, qu’ils sont moins chers, et qu’ils sont pérennes ? Encore et toujours, nous demandons l’application de la loi de réquisition.
Une semaine après les événements, les militantEs du DAL 38 totalement solidaires de ces familles veulent comprendre comment une telle violence a pu se déployer alors même que des discussions étaient en cours et que des solutions se dessinaient. Nous voulons des explications et exigeons toujours :
• L’ouverture en URGENCE de places pour un hébergement inconditionnel et digne jusqu’au relogement, comme prévu par la loi, de toutes les personnes sans-abri.
• L’application de la loi de réquisition, par le préfet et les maires des logements et bâtiments vides.
• L’arrêt des expulsions sans relogement, et l’application de la loi DAHO et DALO.
• La fin des violences et discriminations envers les personnes sans-logis et les populations exilées.
UN TOIT C’EST UN DROIT ! "

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