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Rassemblement contre l’opération Wuambushu, à Mayotte

Il y a un mois, Gérard Darmanin lançait sa grande opération appelée « Wuambushu » qui vise essentiellement les Comoriens, nombreux à Mayotte. Un coup de poing tout à la fois contre l’habitat insalubre, les étrangers en situation irrégulière et la délinquance.

L’histoire coloniale qui ne passe pas
La colonisation de Mayotte et la mainmise de la France sur Anjouan, Grande Comore et Mohéli, a rompu la cohérence de l’Archipel. La décolonisation, sans réparation, sans la prise en compte des cultures communes et des liens familiaux des populations, sans respect des résolutions de l’ONU relatives à la nécessité de conforter « l’unité et l’intégrité de l’ensemble de l’Archipel des Comores », a facilité l’éclatement, la division et au final la haine entre les populations. Dans ce contexte le show Wuambushu ne peut que jeter de l’huile sur le feu. C’est une opération colonialiste et raciste de destructions massives des bangas (bidonvilles) et d’expulsions illégales, dans le plus grand mépris des personnes et des procédures, comme seul un ministre de l’intérieur hors la loi peut se le permettre ! La réactivité du tribunal administratif de Mamoudzou a suspendu l’expulsion d’un bidonville, Darmanin va devoir s’y prendre autrement !

Une décision du sommet de l’État portée par des moyens exceptionnels.
Déjà en 2017, Macron ironisait « sur les kwassas-kwassas qui pêchent peu mais ramènent du Comorien ». Du pur cynisme quand on sait que ce bras de mer de 70 kms entre l’île d’Anjouan et Mayotte est sans doute l’un des plus meurtriers du monde, 20 000 noyés répertoriés depuis 1995 et sans doute beaucoup plus en réalité.
Dans la lignée de Darmanin, le vice président du conseil départemental a osé dire à la télévision publique : « ces délinquants, ces voyous, ces terroristes à un moment donné il faut peut-être en tuer. Et je pèse mes mots. ».
A Mayotte, où 40% de l’électorat vote à l’extrême droite, où les nostalgiques du temps des colonies expriment leur regret du temps des barbouzes qui savaient « mater » les Comoriens, la chasse aux pauvres est ouverte. Car ce qui s’est passé s’apparente à une guerre, avec la présence de 1800 gendarmes, de la CRS 8, unité d’élite, avec des centaines de balles LBD, des tirs à balles réelles, des destructions sauvages de cases et du peu de bien qui s’y trouve, des expulsions illégales, des séparations des familles, de l’humiliation...Le Gisti n’hésite pas à qualifier ces faits d’« opération de déportation sans précédent ».

Mayotte un îlot d’extrême pauvreté dans un océan de misère
A Mayotte, la violence inouïe est d’abord sociale : le PIB annuel par habitant est 5 fois plus bas que celui des habitants de la Métropole, mais il est 8 fois supérieur à celui des habitants des 3 autres îles. A Mayotte, la moitié des habitants vit avec 160 euros par mois, mais avec 60 euros dans le reste de l’archipel. A Mayotte, les enfants sont scolarisés dans des conditions lamentables mais ils ne sont quasiment pas scolarisés dans le reste de l’archipel. Alors oui l’immigration économique est importante. Les jeunes Comoriens tentent la traversée espérant vivre moins mal dans l’île voisine sans
beaucoup d’espoir d’y rester : il y a 25 000 expulsions par an !

A la violence sociale s’ajoute la violence politique
A Mayotte, il y a peu de services publics et le plus souvent en sous effectif, tous les droits acquis dans la Métropole sont revus à la baisse voire n’existent pas. Le droit des étrangers déjà faible à Paris est minoré à Mayotte. Les recours contre une OQTF ne sont pas suspensifs et il n’y a que 24 heures pour les contester dans ce département où il n’y a qu’un avocat pour 100 000 citoyen.es ! L’AME (Aide Médicale d’État) n’existe pas.
Le CRA (Centre de Rétention Administrative) fonctionne sans soutien, sans informations. Mayotte est une île où les mineurs isolés étrangers sont nombreux et sans aucune prise en charge. Ce sont les jeunes migrants Comoriens, mais aussi beaucoup d’enfants de parents Comoriens habitant Mayotte jusqu’à leur expulsion qui ont laissé leurs enfants espérant pour eux une régularisation future. Ils sont environ 6000 mineurs, étrangers et isolés. Ils forment des bandes « de survie » qui terrorisent une partie de la population se sentant délaissée à plus d’un titre par l’État.

Nous exigeons l’arrêt définitif de l’opération Wuambushu.
Nous exigeons l’abrogation du visa Balladur qui depuis 1995 jette une partie de la population dans l’illégalité en supprimant la libre circulation dans l’archipel, transforme la mer en cimetière et sépare tout un peuple.
Nous voulons que des réparations dues à la colonisation soient versées à l’ensemble de l’Archipel afin de rattraper le retard en matière notamment de droits à la santé, à l’éducation, à la justice.

A l’appel de la Cisem (Coordination iséroise de solidarité avec les étrangers migrants)

Premiers soutiens :
ACIP ASADO, AFA 38, ATTAC, CGT 38, CTNE, CSRA, DAL 38, Ensemble ! FSU, FUIQP, LDH, NPA, NPA, PCF38, PCOF, RESF 38, Solidaires 38, Sud éducation lutte de classes, Syndicat CGT sans papiers, Survie, UCL.

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mardi 23 mai 2023

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