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Perquisition et normalitée.

Jeudi 9 août, il est 8 heures du mat’. La nuit a été trop courte quand en guise de réveil quelqu’un.e qui crie « Y’a les flics à la maison ». Déboussolé.e.s on court à la fenêtre, 5 fourgons sont dans la rue. On est piégé.e.s, le temps qu’on revienne, des inconnu.e.s vêtus d’armures et de casques nous ordonnent de les suivre.

Y’ a juste le temps d’enfiler des fringues pendant que les autres habitant.e.s se font ramener petit à petit. Ça se passera violemment pour certain.e.s, l’épaule déboîtée, les mains entravées par des serreflex et avec le futal qui tombe. On est tous.tes regroupé.e.s dans la salle commune, on comprends pas ce qui arrive, qu’est-ce qu’ils cherchent ? On a peur pour les copaines, pour le lieu, pour nous.

Est-ce que c’est une expulsion, une arrestation politique ? A coté des gros bras qui ont servi à l’intervention, de nouveaux flics rappliquent. Sur leurs écussons on distingue une feuille de cannabis. Ce sont les stups, qu’est-ce qu’ils peuvent bien faire ici ? Ils s’imaginent qu’on est une plaque tournante du trafic de drogue grenoblois ? Que comme on est dans un squat ils pourront faire du flag sur diverses substances ? Ils séparent tout le monde en demandant l’identité de chacun.e.s. Celleux qui ont leurs papiers sur elleux les suivront en temps que témoins pour la perquisition. Le reste est emmené dehors, sous la grisaille. Les raisons de cette intervention policière s’éclaircissent.

A côté de la maison, trônent des Algeco, un ancien centre d’hébergement d’urgence fermé depuis des années, laissé à l’abandon et puis rouvert par celleux dans le besoin. Il y a 3 mois, une personne mineure y est morte en faisant une overdose. Après cet accident, l’endroit a été déserté. Les flics voulaient arrêter des personnes en rapport avec cet « homicide involontaire ». Iels ont fait chou blanc, personne n’était là. Cela ne va pas les empêcher de perquisitionner la maison et le terrain. Iels vont vite s’apercevoir qu’iels perdent leur temps.

Iels vont quand même aller dans toutes les pièces de la maison, fouillant un peu, prenant des photos de chaque pièces. Petit à petit, iels vont se laisser aller à la curiosité du lieu, lire les messages ou les textes affichés sur les murs. Le chef des stups ne peut s’empêcher de jouer du piano de la maison, et dans la zone de gratuité iels n’étaient plus que des badauds, le regard attiré par tout ce qu’iels pouvaient y trouver. Un propose même à un collègue un pyjama Winnie L’ourson qui trônait là.

Pendant tout ce temps, dehors c’était plus angoissant. On ne sait pas trop ce qu’on fait là. On est pas arrêtés, on est pas placés en Garde à Vue. Nos droits ne nous ont pas été notifiés. On doit cependant rester tous.te dans un coin du jardin, entouré.e.s de flics qui ne daignent même pas apporter de l’eau. Des enfants étaient parmi nous, logé.e.s à la même enseigne, en t-shirt lorsque la pluie se met à tomber.

Pour l’état nous somme coupable par le fait d’exister autrement, que l’on soit ici par choix ou par nécessité. Mais toujours est-il que ça ne se serait pas passé pareil dans une banlieue résidentielle, si un.e de nos voisin.e.s avait fini pareil. Cette vingtaine de flics juste pour nous, on doit leur faire peur alors… Iels ont ainsi pu avoir accès à notre intimité, à nos espaces de vie, au coeur de nos existences. Iels ont pu ensuite découvrir nos espaces collectifs, s’amusant à taper sur l’enclume de notre forge, avec les curiosités du terrain, se cachant même dans une des caravanes pour faire peur aux collègues. Iels ont été déçu de découvrir que la seule chose qu’on faisait pousser, c’était des légumes et pas de la Weed.

10 Heures du matin, on finit par se rassurer, iels ont rien saisi, personne parmi nous ne part avec eux. De leur côté iels plient bagage et repartent dans la grisaille. Leur enquête n’a pas avancé d’un poil tandis que notre quotidien a été chamboulé. Certaines chambres sont en bordel, heureusement qu’iels en ont vite eu marre et pas mal d’espaces ont été préservé.

On se rend compte qu’un drapeau autonome affiché dans une des chambres a disparu. Ce ne sont pas les enquêteur.e.s des stups, on était avec elleux quand iels sont passés par là. On se rappelle alors que les Baceux et autres agent.e.s d’intervention étaient restés dedans alors que le reste était dehors. Iels ont fait une « prise de guerre ». Qu’est-ce qu’iels ont pu faire d’autre ? Est-ce qu’iels en ont profité pour ajouter des dispositifs d’écoute, pour saboter quelque chose ? Est-ce que c’est de la parano ou du réalisme ?

Le pire est qu’on s’est tellement habitué à l’arbitraire, à la toute puissance policière, que cela ne nous laisse pas forcément choqué.e. Juste impuissant.e.s par rapport à ce qu’il vient de se passer. Constamment vulnérable au plus profond de nos vies aux envies de contrôle policier du pouvoir sur celles-ci. Même dans cet espace que l’on veut construire, hors de l’argent, hors de l’autoritaire, hors du temps.

La république française mit en place l’état d’urgence pour lui permettre de quadriller, surveiller, contrôler les masses et oppresser toutes formes de résistance à sa vision capitaliste. Celui-ci manipule l’opinion publique pour mettre en place son système répressif : caméra à chaque coins de rue, flic surarmé, militaire en patrouille, système judiciaire partiale… En l’espace de quelques mois, l’état d’urgence à manipulé nos pensées et fait passer comme banal la situation dans laquelle nous vivons. Et même si le gouvernement n’a pas prolongé officiellement l’état d’urgence, ne nous y méprenons pas : changer le nom d’une situation sous tension sans en changer le fond pour pacifier la population est une des armes de l’armada des techniques de manipulation de masse.
Aujourd’hui, subir une perquisition est devenu un évènement normal dans les squats et les quartiers populaires. L’état trouve toujours une excuse pour légitimer leurs pratiques et le prétexte de la drogue est de loin l’un des plus simple. Elle a toujours été utilisée par l’état comme une arme, d’une part pour justifier son dispositif répressif sécuritaire et de l’autre, pour enchaîner les populations au projet capitaliste.
Notre squat est un lieu haïe par les autorités, sa milice et l’extrême droite. Une perquisition comme celle que nous avons subit leur permet non seulement de répandre un climat d’insécurité pour les personnes qui vivent ici mais aussi de récolter de précieuses informations qui viendrons s’ajouter à une base de donné déjà bien fournis sur : qui vit dans ce lieu ? Le contrôle et stockage des numéros de plaques d’immatriculations sur les véhicules ; les activités légales ou illégales se déroulant. N’importe quelle personne qui n’a ni l’envie ni les privilèges de partir en « vacance de lutte » aura bien compris que toutes ces données seront très utile quand la loi ELAN sera imposée.
Il est urgent que nos esprits se déracinent de ce système et de se rendent compte de la banalisation de la violence étatique exercée sur les classes sociales les plus pauvres.
De cette réalité qui touche nos corps et nos esprits nous pourrons prendre le chemin de la guerre sociale et laisser faner celui de la victimisation.

Les habitantes d’Ahwahnee.

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