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Main de fer, gant de velours : le 38 est encore là et compte bien y rester !

Main de fer, gant de velours :
Le 38 est encore là et compte bien y rester !

Depuis février 2015, le 38 rue d’Alembert s’est installé dans le quartier St-Bruno à Grenoble. Le centre social s’articule autour d’un double projet :
- Un espace social et culturel ancré dans son quartier qui accueille de nombreuses activités quotidiennes (zone de gratuité, cantines, atelier vélo, cinéma des voisin-e-s) et ponctuelles (spectacles, concerts, discussions...) se liant déjà depuis longtemps aux structures qui participent à faire encore de St-Bruno un quartier populaire.
- Un espace politique réappropriable par toutes celles et ceux qui manquent d’air et d’espace pour donner corps à leurs combats. Là aussi, le 38 se veut relié à ce qui existe déjà à Grenoble, des gilets jaunes aux transformations de St-Bruno en passant par les luttes associatives, anticapitalistes, anti-autoritaires, ou syndicales.

Dès son occupation, le 38 s’est ouvert avec l’envie de s’organiser de façon horizontale au plus près des besoins du quartier, par les diverses activités qui rythment la vie quotidienne du lieu et lors de réunions puis d’assemblées ouvertes à toutes et à tous. À travers elles, nous tentons de maintenir son existence au gré des tempêtes qui l’ont bousculé ces dernières années et encore plus intensément ces derniers mois. Entre tentatives de conventionnement avec la mairie et coups de pression de la préfecture, nous sortons de deux années chargées qu’il convient de résumer pour expliquer notre situation.

Entre 2015 et 2017 une 1ère vague de négociations avec la municipalité Piolle, nouvellement installée à l’Hotel de Ville, a été amorcée. La convention proposée contrevenait en tous points avec nos activités, ne prévoyant pas d’accès au public et étant globalement à notre désavantage. Dès le début, nous avons rappelé notre projet et notre désir de nous ancrer sur le long terme dans le quartier, comme spécifié dans notre lettre ouverte co-signée largement il y a déjà deux ans. Courant 2016, un projet de logement social sort de terre et vient menacer notre pérennité. Pour le faire aboutir, les élus du secteur 1 ont longtemps prétexté un relogement dans le quartier dans les mêmes conditions mais aucune proposition concrète ne nous a été présentée. Face à cette impasse, nous avons refusé de signer un quelconque contrat nous régularisant.

A l’automne 2018, la situation évolue très rapidement à partir d’une alliance incongrue entre une préfecture sécuritaire récupérant le discours sur "l’ensauvagement de la ville" tout droit sorti de la presse d’extrême-droite, et une voisine zélée, qui nous harcèle depuis deux ans, déterminée à incendier son propre pâté de maison afin de nous voir disparaître. La mairie panique et devient tout à coup prête à conventionner dans l’urgence sans prendre en compte la teneur des négociations construites jusque là. Menacés d’une procédure pour trouble à l’ordre public, nous nous demandons alors qui l’incarne le mieux : la préfecture gazant des enfants et des personnes âgées lors de la fête des morts ou les débris incendiaires de cette même voisine au pied du 38 ?

Soucieux-ses de nos potentielles nuisances, nous sommes allés à la rencontre de notre voisinage ; de nombreux logements limitrophes visités semblent alors prêts à nous soutenir publiquement si le besoin s’en fait sentir. Au moment où le débat commence à s’articuler autour de la sécurité du bâtiment, nous proposons de mettre une partie du lieu aux normes par nos propres moyens, en accord avec notre indépendance revendiquée. Pour ce faire, nous tentons de chiffrer nos travaux et d’estimer le temps nécessaire à leur réalisation. Il nous apparaît alors évident que cette charge ne paraît envisageable qu’en contre partie d’une convention s’étalant sur 5 ans minimum, deux ans étant nécessaires pour réunir économie et main d’oeuvre. Pour tout un tas de raisons techniques, la mairie partait depuis longtemps sur 3 années non renouvelables et nous faisait languir un relogement qui ne viendrait sans doute jamais.

Ces derniers mois ont confirmé les intérêts et stratégies des différentes parties prenantes. Lors de notre chantier, notre voisine a tenté un buzz médiatique en mettant en vente le 38 sur le Bon coin. Le lendemain, la préfecture écrivait à la mairie pour leur rappeler leur responsabilité vis à vis de la sécurité du centre social tchoukar. Dans cette lettre, le préfet menace alors officiellement le 38 d’une procédure pour "trouble à l’ordre public" et d’une seconde pour "aide au séjour irrégulier des personnes" - agitant sans doute comme preuve une photo d’un matelas transporté à l’intérieur du 38 depuis le camp Berriat où des familles expulsées le matin même seront entassées dans des gymnases sans relogement décent.

Autant d’arguments juridiques fallacieux destinés à nous intimider et à faire pression sur la municipalité. Cette dernière osera-t-elle lancer une procédure anonyme comme elle le fit lâchement pour le DAL rue Jay en 2017, alors que des occupant-e-s sont signifié-e-s sur notre boîte aux lettre depuis 4 ans ? Cette manœuvre préfectorale est utilisée par la mairie pour nous faire signer une convention ubuesque et déconnectée de notre réalité présente et à venir. Peu surprenant, finalement, de la voir instrumentaliser l’urgence de la situation pour se déresponsabiliser vis-à-vis de la préfecture et clamer son impuissance et sa soumission face à ce soit-disant ennemi commun. Sûrement une belle manière de s’assurer une campagne paisible dans les prochains mois. En ce qui nous concerne, il n’y a aucun doute, nous saurons nous défendre.

Aujourd’hui, concrètement, la mairie voudrait que le 38 signe un bail sur 3 ans, alors que nous devrions en passer 2 à fermer nos portes pour réaliser nos travaux et investir plusieurs dizaines de milliers d’euros. À la fin de ces 3 ans, nous devrions partir sans aucune garantie de pouvoir poursuivre nos activités ailleurs. Et peut-être même dire merci pour "l’espace interstitiel" que nous avons occupé ? Depuis le début de ces négociations, la mairie nous a affirmé ne pas vouloir opposer deux projets sociaux, entre logement et centre d’activités ; pourquoi le fait-elle aujourd’hui ? Nous sommes pour les logements sociaux et nous battons justement depuis des années pour que les projets A.Raymond et Greta en intègrent davantage et ne soient pas réservés aux classes supérieures. Peut-être que 30 places en EHPAD sur 300 logements pour classes aisées suffit à la conscience des promoteurs d’A.Raymond ? Pourquoi faire ces logements sociaux à la place du 38 et construire de nouveaux bureaux à la place de Cap Berriat, alors qu’à quelques centaines de mètres, dans le quartier Europole, des immeubles entiers de bureaux sont inhabités et pourraient être réaménagés par la ville ?

Depuis bientôt 5 ans, le 38 a construit ses murs pas à pas et se retrouve à présent menacé de disparaître par les pouvoirs publics. Ces murs sont solides et le resteront tant que nous ne répondrons pas aux injonctions normatives et sécuritaires d’une préfecture ou d’une mairie. Le 38 est un lieu riche d’expériences sociales et politiques dont nous avons cruellement besoin dans un monde qui s’écroule et une ville qui s’étouffe. Nous tentons peu à peu de rendre cet endroit accessible à toutes et à tous, en tenant compte des pratiques et usages du quartier que nous habitons. Nous n’y parviendrons pas avec l’ombre menaçante d’un tractopelle au dessus de nos têtes. En revanche, nous nous battrons farouchement pour que notre lieu commun puisse continuer à vivre à St-Bruno. Lors du réaménagement de la place St-Bruno l’an dernier, la mairie déclarait ne pas vouloir rendre notre quartier aux riches. Quel message enverrait-elle en nous expulsant ?

Nous vous invitons à rejoindre nos assemblées les 1er et 3èmes mardis du mois pour organiser ensemble la défense du 38 dans les temps à venir. Nous vivrons ces mois le cœur ardent de tout ce que le 38 peut encore devenir et que nous n’avons pas encore inventé.

Ne laissons pas mairie et préfecture tailler nos rêves en pièces !

L’assemblée du 38

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