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Lettre Ouverte aux Red Kaos 1994

L’homophobie est fléau qui mérite que vous la combattiez réellement

Ce texte est une réaction au communiqué du 24 avril 2019 du Red Kaos 1994. Son but est d’ouvrir un « espace de liberté où nous pourrions enfin parler ». Pour créer cet espace de liberté, il est nécessaire de recadrer certaines choses avec cette association d’ultras grenoblois, afin que la liberté de vivre et de s’exprimer n’aille pas uniquement dans un sens, pour une fois. Vue que « les polémistes de tout genre » ne connaissent pas le contexte local, ni la tribune Ouest, ni le terrain, il nous semble important à nous personnes transpédégouines de Grenoble de revenir sur les dérives homophobes dans les tribunes des ultras ces derniers temps. Peut-être que l’analyse radicale par des personnes concernées par l’homophobie et plus largement par les discriminations liées au genre et à l’orientation sexuelle feront entendre raison à ces ultras tellement engagés sur le front de la lutte sociale et contre les systèmes de domination.

Tout d’abord, la lutte contre l’homophobie n’est pas une question de valeurs prônées, de discours, ou de déclarations d’intention. Si des banderoles comme la deuxième partie de celle qui a été déployée samedi 20 avril lors du match contre Lens (« RT : d’ailleurs bon anniv les PD !! »), des chants homophobes ou sexistes (à base de « pd », « enculé » ou « fils de pute ») peuvent être scandés, ou encore un soutien peut être apporté à d’autres ultras « parce qu’on les connaît et qu’ils sont gentils donc ils ont le droit de dire pédé, c’est pas homophobe », il vous manque une sérieuse formation sur les questions des oppressions systémiques. Si votre tribune « s’est toujours positionnée en toutes circonstances contre les personnes homophobes et les actes homophobes », acceptez alors d’entendre que la deuxième partie de votre banderole et certains de vos chants constituent des actes homophobes.

La première banderole suffisait amplement à réagir à la récupération politique entreprise par le gouvernement sur les questions des luttes LGBT, pratique couramment appelée “pinkwashing”, et que nous sommes nombreux et nombreuses queers radicales à dénoncer, que ce soit sur le gouvernement français, celui d’Israël, les multinationales qui nous exploitent ... L’ajout de cette deuxième banderole est pour nous une provocation à deux balles qui ne sert pas le discours que vous semblez vouloir prôner sur l’homophobie mais fait encore du mal aux seules personnes qui trinquent dans cette histoire, les personnes transpédégouines, qui se retrouvent instrumentalisées par vous et le gouvernement dans une gueguerre ridicule où tout le monde parle à la place de tout le monde pour ne rien dire de bien intéressant au final. Nous dénonçons fermement les attaques répétées des gouvernements envers les ultras, et de manière générale, envers toute manifestation de culture populaire non aseptisée et encadrée. Selon nous, il s’agit encore une fois de mépris de classe de la part de dirigeants toujours plus élitistes et prêts à tout pour blâmer la classe ouvrière. Vous auriez pu vous arrêter à cette analyse, mais elle demande plus de finesse que la provoc minable dans laquelle vous vous complaisez (vu que vous aimez tant la Oi !, retournez donc écouter Civil Agression).

Vous vous targuez dans votre communiqué d’œuvrer contre l’homophobie mais de nombreuses personnes LGBT+ ne viennent pas (ou plus !) au stade justement à cause de l’ambiance de camaraderie virile et hétérocentrée qui règne dans la tribune Ouest. Alors peut-être que vous vous pensez à la pointe de la lutte contre l’homophobie, mais il s’agirait de travailler au sein de votre organisation à réfléchir à la façon d’accueillir dans les meilleures conditions les personnes transpédégouines avant de vous lancez dans une banderole « provocatrice et satirique » dont vous ne comprenez même pas la portée ni la violence. Demandez-vous peut-être si c’est une attitude vraiment “provocatrice et satirique” que d’utiliser des termes homophobes dans une société homophobe. On peut aussi élargir cette critique aux nombreuses meufs qui ne viennent plus en tribune, parce qu’elles en ont marre d’être objectifiées, prises de haut, etc. en bref, considérées comme des supportrices de seconde zone.

Si les associations LGBTI comme Urgence Homophobie n’ont pas le monopole de la lutte contre l’homophobie, le Red Kaos 1994 n’a pas le monopole du parler populaire. Se cacher derrière le fait que ces insultes n’ont plus le sens originel nous paraît être au mieux un manque de connaissance des vécus des personnes concernées par ces discriminations ou au pire un positionnement politique malhonnête. Les homos sont toujours insultés de « pd » ou d’« enculé » dans la rue, pourquoi dans un stade ou en dehors du contexte d’une agression ces termes ne seraient plus des insultes ? Comprenez au moins le malaise et la violence que peuvent ressentir des transpédégouines supporters et supportrices de foot dans une tribune qui insulte l’arbitre ou un joueur de « pd » ou d’ « enculé ». Vous n’êtes pas et n’incarnez pas non plus la classe populaire et les personnes transpédégouines en font tous et toutes autant partie que vous. Analyser les situations en termes de classe, c’est prendre en compte toutes les dynamiques à l’intérieur de celle-ci. Si vous considérez que c’est un “puritanisme dangereux” que de vous demander d’arrêter de dire “pd”, arrêtez de chouiner à la censure et remettez-vous en question. Derrière les mots il y a des coups, du harcèlement, des menaces, tout ce qui caractérise une oppression, et on vous rappelle qu’être ultra n’en est pas une.

Les seules personnes qui ont un droit légitime à utiliser ces termes sont les mêmes qui sont la cible de ces insultes, il ne nous semble pas malheureusement que les Red Kaos 1994 soit une association de supporters et supportrices LGBTI. Si vous voulez vous former, les ressources existent, surtout à Grenoble, mais on ne vous demande même pas de venir en manif, de participer à nos évènements, formations, de lire nos livres, voir nos films, etc. On vous demande de réfléchir aux mots que vous utilisez, parce que le stade n’est pas un lieu magique où les oppressions disparaissent une fois une écharpe tendue entre les mains.

Ce texte appelle à des explications de votre part, agissez en conséquence.
Vous pouvez nous écrire à ultrasqueer@gmail.com

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