Petit compte-rendu subjectif et sonore d’une réunion publique à la Villeneuve, samedi 20 octobre 2018. Les élu.e.s de la ville de Grenoble y présentaient aux habitant.e.s le grand projet de rénovation urbaine à venir, projet concocté avec l’ANRU [1], l’ANAH [2], la Métro et les bailleurs, entre autres partenaires. Pour Arlequin plus précisément, il s’agit de faire surgir un « écoquartier populaire » qui ferait de la Villeneuve un « quartier d’avenir », parce qu’il y a « un fort potentiel ».
Mais, rassurons-nous, « il ne s’agit pas du tout de gentrification ».
A la Villeneuve, quand on veut faire de la démocratie, il faut savoir prendre les habitant.e.s… entre les réprimandes paternalistes de Boileau [3], le « parler jeun’s » de Piolle et la voix douceureuse « garantie locale » de Sabri [4], toutes les stratégies sont employées pour éviter que la colère et la tension ne fassent capoter le déroulé ficelé de la présentation.
La réunion commence par une présentation de vidéos qui présentent des projets artistiques et culturels menés récemment à la Villeneuve et financés par la Ville de Grenoble. Plusieurs minutes de bande son rock’n’roll dont on ne voit pas le rapport avec la choucroute, et dont l’objectif semble surtout de présenter la Villeneuve comme un quartier où il y a des projets sympas à mener pour des artistes en mal de mixité sociale. En tout cas, c’est toujours du temps de gagné sur le débat houleux qui s’annonce.
Mais malgré le temps très court laissé aux questions, réactions, inquiétudes et désaccords des habitant.e.s (les réponses aux questions traînent en longueur et divaguent bien loin des sujets soulevés), quelques paroles d’opposant.e.s au projet se font entendre. Elles sont aussitôt disqualifiées et balayées d’un revers de main par des élu.e.s sûr.e.s de leur bon droit, et défendant leur position héroïque face au monstre ANRU. Selon Piolle, la mairie se bat pour le moins de démolitions possibles mais ne peut pas faire capoter l’ensemble du projet, sous peine de perdre la manne des subventions octroyées par l’agence pour les différents quartiers concernés dans l’agglo : Mistral, le Village Olympique et la Villeneuve pour Grenoble, la Villeneuve pour Echirolles, Renaudie et Chamberton pour Saint Martin d’Hères.
Certain.e.s habitant.e.s et collectifs qui accusent la mairie d’avoir dissimulé des informations (notamment concernant le 1, place des Saules, le relogement des familles du 20 galerie de l’Arlequin ou les provisions financières de l’ANRU pour une phase complémentaire du projet qui comprendrait, en plus de la démolition du 10 galerie de l’Arlequin, les démolitions du 90, 60 Sud, 100 Nord, 110, 120, la piscine et le patio) se voient retourner les accusations de mensonge : ils contribueraient à diffuser des rumeurs et de fausses informations, et menaceraient la totalité du projet et donc « l’amélioration du cadre de vie » des habitant.e.s des quartiers concernés pour l’avenir.
L’amélioration du cadre de vie des habitant.e.s, vraiment ? « Y’a plus de boulot », « la situation c’est dur, de plus en plus dur », « on a besoin de structures pour nos jeunes », « des familles du 20 n’ont pas pu accéder au 40 [5] parce qu’elles ne répondaient pas aux critères de revenus », « les prix ne doivent pas augmenter », « vous dites que l’ANRU interdit de reconstruire du logement social dans le quartier, c’est une catastrophe, on manque déjà cruellement de logements sociaux », « vous avez parlé d’insertion il y a eu un ou deux postes créés c’est tout, c’est pas créer de l’emploi ça », « y’a quatre familles du 20 qui ont été expulsées sans relogement », « aujourd’hui il y a plein d’expulsions locatives à la Villeneuve »…
Face à ces préoccupations, les élu.e.s lèvent les yeux au ciel (« ce n’est pas le sujet », « il y a toujours des situations dramatiques, ça on ne pourra jamais l’éviter »), et reposent habilement la responsabilité sur les habitant.e.s (« mais vous ne voulez pas que d’autres gens viennent à la Villeneuve, si je vous entends bien », « mais si il y a des gens qui balancent des frigos par les fenêtres je vous retourne la question, qu’est-ce que c’est que cette histoire de lancer des frigos par les fenêtres, allons ? », « il y a des gens qui refusent de venir habiter à la Villeneuve, c’est bien qu’il y a un problème, bon, on va pas nier qu’il y a un problème ? »). Face à des préoccupations de classes populaires marginalisées et discriminées, face à des préoccupations sociales, face à la colère, la mairie de Grenoble propose des préoccupations de classes moyennes et supérieures, des préoccupations écologistes, et l’apaisement. Décalage impressionnant, dialogue de sourds et mépris de classe.
L’écoquartier populaire, c’est ouvrir la Villeneuve en démolissant a minima le 20 dans un premier temps, faire du parc un parc comme le parc Paul Mistral où tout le monde se sentirait à l’aise pour ses loisirs, faire du lac une zone de loisir écolo en plein centre de la ville (« gros potentiel »), répondre aux critères de la réhabilitation écologique (label écoquartier, « la Villeneuve répond déjà à la moitié des critères, c’est facile ») tout en revalorisant l’image de la Villeneuve pour que « populaire » devienne synonyme de « sympa »…
Mais non, non, ne nous inquiétons vraiment pas, il ne s’agit pas du tout d’un processus de gentrification. Ah oui, pardon, seulement de l’éco-gentrification...
« On partira pas, on est nées ici, on a vécu ici, vous nous ferez pas partir, c’est sûr on partira jamais ! », lancent des habitantes en sortant de la salle.
Extraits sonores :
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- Un "éco-quartier populaire" ?
- Suite à la question d’une habitante, réponses de la technicienne de la Métro puis de Piolle... Là où on apprend que "populaire, c’est sympa", et que le maire est "éminemment populaire". Trop sympa ce Piolle.
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- Les démolitions
- Suite à la question d’un membre du collectif contre les démolitions et habitant du 10-20 galerie de l’Arlequin, Piolle expose la position de la mairie et tente de s’expliquer sur un document de l’ANRU qui a fuité (document qui chiffre le budget des démolitions futures de l’Arlequin sur une potentielle phase complémentaire du projet).
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- Objectif "mixité sociale" = déloger les pauvres
- L’ANRU n’obligera pas à d’autres démolitions en phase complémentaire (démolitions de la moitié de l’Arlequin) si et seulement si "le projet de réhabilitation a marché" en première phase. Qu’est-ce que ça veut dire ? Explications du maire.
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- Le lac et le parc : "un gros enjeu"
- Le lac et le parc doivent devenir un lieu de loisirs pour les Grenoblois.e.s d’autres quartiers, et donc être ouvert pour l’extérieur, "gros enjeu" d’après Piolle.
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- Soyons positifs et accueillants
- Pour Fabien Malbet, l’adjoint aux écoles, il s’agit d’être positifs, ensemble pour la victoire, et d’arrêter d’être réfractaires à l’arrivée de nouveaux habitant.e.s.
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- "La question sociale"
- Quelques interventions, en vrac, d’habitant.e.s qui affirment que le problème central est un problème de galère sociale et de manque d’emplois, et deux réponses des élus : Piolle sur la rélégation des pauvres aux périphéries et Boileau sur l’emploi... Où le mot d’hab itantes est le mot de la fin "c’est notre quartier, on ne partira pas".
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