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Expulsion illégale en plein confinement : malgré une décision de justice, la préfecture s’acharne

Une décision manifestement illégale à plusieurs titres  

1/ Cette décision va d’abord à l’encontre du principe de l’inconditionnalité de l’accueil en hébergement d’urgence, selon lequel « toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence » (art. L. 345-2-2 du Code de l’action sociale et des familles).

2/ Il y a ensuite la trêve hivernale, qui cette année, a débuté le dimanche 18 octobre 2020. Cette période implique l’interdiction de procéder à des expulsions (art. L. 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution), étant entendu que cette interdiction ne protège pas uniquement les locataires mais bien tous les habitants de tout lieu de vie qui constitue leur domicile, quelle que soit sa forme. Les personnes hébergées sont donc légalement protégées contre les expulsions durant cette période. La décision de mettre fin à l’hébergement de la famille A. en pleine trêve hivernale, constitue donc une expulsion illégale.

3/ Finalement, et plus explicite encore, la consigne a été formulée par la Ministre en charge du logement le 18 octobre dernier à l’égard des préfets de ne pas mettre fin, pour quelque motif que ce soit, à l’hébergement de qui que ce soit, eu égard au contexte épidémique actuel. En effet, elle a affirmé de manière particulièrement univoque qu’« il est impératif dans cette période [de crise sanitaire] de faire respecter les principes de la circulaire du 2 juillet dernier […] : pas de remise sèche à la rue des publics hébergés sans solution de logement ou d’un autre hébergement » (Instruction du Gouvernement, Campagne hivernale 2020-2021 », URL).

Une décision de justice qui confirme l’illégalité de la décision et enjoint à la préfecture d’héberger la famille concernée

Saisi par la famille A. d’un référé liberté, le Tribunal administratif de Grenoble a jugé dans une ordonnance du 16 novembre qu’ « il résulte de l’instruction que M. et Mme A. sont placés, du fait de cette décision mettant fin à leur hébergement dans le dispositif hôtelier dans une situation matériellement critique […]. Le préfet de l’Isère, qui ne justifie pas de l’absence de places d’hébergement immédiatement disponibles pour l’accueil des intéressés, ne remet pas en cause leur vulnérabilité particulière liée notamment à la présence d’enfants en bas âge, dans un contexte exceptionnel de pandémie. Cette situation liée à la pandémie justifie d’une situation d’urgence et de détresse […] ». Et d’en conclure qu’ « il y a donc lieu dans les circonstances de l’espèce, d’enjoindre au Préfet de l’Isère de reprendre en charge les requérants et leurs enfants dans le cadre de l’hébergement d’urgence, dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance, sous astreinte de 50 euros par jour de retard » (TA, Grenoble, ordonnance n° 2006732, 16 novembre 2020).

Le Tribunal administratif de Grenoble a donc donné raison à la famille A., en jugeant que la préfecture de l’Isère avait porté une atteinte grave et manifestement illégale à leur droit à un accueil inconditionnel en hébergement d’urgence, reconnu comme étant une liberté fondamentale (art. L. 521-2 du Code de justice administrative). Par ailleurs, le Tribunal a enjoint à l’État de ré-héberger la famille A dans un délai de 8 jours, sous astreinte. Ce délai est arrivé à échéance hier, soit le mercredi 25 novembre 2020.

Et malgré tout cela, l’État n’héberge toujours pas la famille…

Au jour où vous est adressé ce communiqué (26/11/20), aucune solution d’hébergement n’a été proposée à la famille A. par la préfecture de l’Isère. Parallèlement, la Mairie de Grenoble, le CCAS de Grenoble, le CCAS d’Échirolles et de nombreu-ses-x élu-e-s ont été interpellé-e-s sur la situation de cette famille mais aucun-e n’a proposé de solution.

La préfecture a parfaitement connaissance des textes légaux et réglementaires en vigueur, cependant, elle préfère ne pas respecter ses propres lois, et enfreindre une décision de justice, plutôt que d’héberger une famille nombreuse à la rue, quitte à payer 50 euros par jour… Le combat n’est pas terminé. En effet, pour que cette astreinte soit effectivement payée, il faudra encore saisir la justice, ce que la famille est déterminée à faire.

Jusqu’où faut-il aller, combien de combats faut-il mener, pour que la loi soit respectée ?

Finalement, il est important de rappeler que l’hébergement d’urgence a été conçu dans la loi comme une solution temporaire, l’accompagnement dont devraient bénéficier les personnes hébergées devant leur permettre d’accéder à une solution d’hébergement, et finalement de logement, pérenne. Force est de constater que la réalité est, une fois encore, bien éloignée du prescrit légal !

1 A défaut de places disponibles dans les centres d’hébergement, l’accueil des personnes peut être assuré, exceptionnellement et de façon temporaire, dans des hôtels. En pratique, force est de constater, qu’en raison de la crise du logement et de l’engorgement des structures d’hébergement en Isère, l’hébergement en hôtel devient de plus en en plus la norme. Les conditions de vie y sont particulièrement précaires, notamment en raison de l’inadéquation des lieux aux besoins des personnes hébergées (absence de cuisine, séparation des familles au sein de plusieurs chambres, absence de machines à laver,…). Actuellement, à Grenoble et ses environs, ce sont des centaines de personnes qui sont hébergées dans des chambres d’hôtels (notamment à l’hôtel Gallia, au Brit Hotel et à Voreppe).

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