Le 9 avril dernier, un texte anonyme invitait à venir jardiner et bricoler sur un nouveau lieu à Sassenage : le BAC, un Bosquet Anti-Câble en lutte contre l’affreux projet de métrocâble, pour la défense des terres agricoles de Portes du Vercors et au-delà. Une grande serre géodésique en skis de récup, construite dans la semaine, y avait été assemblée aux côtés d’une cabane bâtie l’été dernier et d’une cabine de téléphérique en bois apportée pour l’occasion. Les constructions et les plantations sur le lieu devaient se poursuivre chaque dimanche suivant. Nous espérions simplement pouvoir se retrouver chaque semaine pour entretenir ce bout de terrain, faire découvrir ce bout de nature aux habitant.es de la cuvette et affirmer haut et fort notre opposition au projet de métrocâble et de destruction de terres.
Mais ce genre de joyeuseté n’est malheureusement pas du goût de tout le monde. Deux dimanches plus tard, au beau milieu d’une construction de plateforme dans les arbres et d’une plantation sauvage de patates, la gendarmerie alertée par les voisins fait appel au PSIG pour expulser le BAC. Face à cette exposition de muscles et de lanceurs de lacrymos tenus bien en évidence, les personnes présentes pour bricoler et jardiner, en effectif réduit, quittent les lieux sans encombre. Sûrement convaincus de faire du bon travail de médiation, les gendarmes dans leur grande mansuétude leur accordent deux jours pour venir récupérer le matériel. Et en effet, quelques jours plus tard, toutes les constructions ont disparu. Des vestiges du BAC, ne restent plus que les traces d’un engin de chantier ayant pénétré au coeur du bosquet.
Reste alors à tirer les conclusions de cette occupation éphémère.
Comme partout en France ces derniers mois, la répression policière s’abat sur toute tentative de critiquer l’ordre établi. La Préfecture, aiguillonnée par les directives anti-ZAD de l’abject Darmanimp nageant dans une gigabassine d’indécence depuis plusieurs semaines, a encore une fois fait respecter la sacro-sainte propriété privée, élevée au rang de valeur phare de l’Etat de Droit, même quand elle concerne un mini-carré de forêt abandonné entre des champs en friche.
Il faut dire que le propriétaire dudit bout de forêt n’est pas n’importe qui : Isère Aménagement, membre du groupement Elegia, le gros aménageur public du territoire impliqué dans tout un tas de projet mortifères, comme le centre commercial Neyrpic à Saint-Martin-d’Hères et le projet d’urbanisation des Portes du Vercors, récemment abandonné pour la partie Sassenageoise et au milieu duquel se trouvait justement le BAC.
La logique reste la même que partout ailleurs, comme au Chantier à Fontaine, récemment détruit par la Mairie et l’EPFL : couper court à tout brin d’herbe libre qui dépasserait un tant soit peu de ce-qui-est-permis, mais surtout tuer dans l’œuf les imaginaires autogestionnaires et anti-autoritaires véhiculés dans ces lieux, avant qu’ils ne donnent à trop de monde de dangereuses idées émancipatrices.
N’ayant de cesse de vouloir détruire ou récupérer pour mieux contrôler, les pouvoirs publics servent loyalement des systèmes de pensée capitalistes qui anéantissent le vivant, écartent les plus démuni.es et uniformisent le monde. Nous refusons que nos vies et les lieux qu’elles habitent soient décidées sans nous, gérées comme des pions sur une maquette d’urbaniste. Nous pensons au contraire que nous avons plus que jamais besoin d’espaces où habiter, nous rencontrer, cultiver, créer. Par et pour nous-mêmes. Concrètement, localement.
Notre autonomie, nous la trouvons avant tout dans ces imaginaires qui eux, restent intacts. Aux destructions, nous répondons "Reconstructions" ! A la répression : "autodéfense collective !". Et comme les épouvantails de la rue de l’Argentière, remis sur pied après chaque coup de vent, nous conservons notre détermination à faire capoter leur projet de métrocâble tout bidon.
Les gens du BAC
Voilà un an et demi que de nombreuses personnes se mobilisent pour lutter contre ce projet absurde. Après des heures à déconstruire point par point leur argumentaire, à analyser les documents officiels, à tracter, coller, rencontrer les habitant.es, mobiliser des centaines de personnes, mettre la pression aux élu.es, bricoler, quelques personnes avaient envie d’investir un peu plus cet espace que nous défendons. Alors, voilà, les petites constructions et plantations, que l’on espérait être un premier pas pour que d’autres nous rejoignent, auront été de courte durée. Mais il reste toujours des espaces abandonnés,des terres qui pourraient être cultivées, maintenant que les promoteurs ont vu leurs rêves de bétonisation s’effondrer. Nous avons peut être perdu le BAC mais nous avons obtenu une victoire, qui on l’espère, en annonce une autre.
Aujourd’hui, en effet, s’il restait encore des doutes sur la pertinence du téléphérique, l’enquête publique sur le PPRI et le rapport de l’autorité environnementale régionale les ont fait sauter : la première en faisant annuler tout simplement l’urbanisation de plus de 20 hectares terres agricoles et la seconde en demandant à ce que la réalisation du câble ne se fasse qu’à condition que cette urbanisation se réalise.
Certains de nos décideurs s’accrochent encore à leur câble, tels Ferrari et Laval craignant de finir leur mandat sans pouvoir mettre leur signature au bas de cette future vitrine publicitaire pour la cuvette. Aidons-les à couper le cordon !
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