Un film italien de 1994, Lamerica de Gianni Amelio
avec Enrico Lo Verso, Michele Placido, Piro Milkani, Carmelo Di Mazzarelli...,
115 mn, Couleurs, projeté en VOSTFR
Prix de la mise en scène à la Mostra de Venise 1994
Albanie, 1991, juste après la chute du régime communiste. Deux italiens du sud, deux petits malins qui veulent jouer les hommes d’affaire débarquent à Durazzo (Durres, en albanais) dans l’intention d’y acheter une usine de chaussures pour une somme dérisoire. Le plus âgé, Fiore, plus expérimenté, est accompagné de Gino, la trentaine, lui plutôt fragile face aux événements imprévus. Ainsi que l’exige la loi, ils doivent trouver un associé albanais qui sera un président-fantoche, et le découvrent dans une ancienne prison en la personne de Spiro Tozaï, un vieillard malade, muet, apparemment docile. Fiore rentre alors en Italie. Gino reste à Tirana pour s’occuper des questions administratives. A la veille d’un rendez-vous au Ministère de l’Industrie, le vieil homme disparaît, prenant le train pour, dit-il, rentrer chez lui... Commence alors un parcours qui l’amènera à partager le destin des albanais qui l’entourent dans leur fuite au-delà de l’Adriatique.
Bien avant les arrivées récurrentes et dramatiques des migrants venus d’Afrique en Sicile et dans le sud de l’Italie, après l’exode des italiens du Sud vers l’Amérique, après la colonisation italienne de l’Albanie, au moment où l’Italie était l’Amérique des albanais, Gianni Amelio nous parle, dans ce film rare, des migrations, de la diversités des phénomènes migratoires, des hommes ballottés par l’histoire et l’économie capitalistee, de recherche d’eldorado ou simplement de lieu où pouvoir vivre.
L’un des très rares articles rédigés en France sur ce film extrait de la Revue Hommes & Migrations :
« Lamerica. Sans apostrophe. L’auteur y tient. Comme aurait pu l’écrire un de ces migrants à l’orthographe incertaine. Car au travers d’une peinture acerbe de l’Albanie, à peine sortie de l’enfermement totalitaire pour tomber dans un effroyable désordre de faim, de misère et de turpitudes, sur laquelle fondent les rapacent de l’import-export, le film est comme un chant, tantôt cruellement réaliste, tantôt d’un poignant lyrisme, à la mémoire des peuples migrants en quête de l’eldorado.
Les dernières images, d’un incomparable beauté, qui montrent le paquebot de l’exode où les gens sont parqués, emmêlent grâce à la folie douce du vieux Spiro, le départ ancien des italiens vers l’Amérique à celui actuel des Albanais vers l’Italie du Sud. Emergeant de l’entassement des corps fatigués, ce sont les mêmes visages animés d’une vie intense que l’illusion dévore.
Dans Les enfants volés nous avions découvert avec enthousiasme le réalisateur Gianni Amelio et son interprête Enrico Lo Verso. Les deux ce sont à nouveau réunis pour ce film exceptionnel qu’a honoré le Festival de Venise et que semble bouder incompréhensiblement le public français (c’est tellement plus commode de verser des larmes de crocodile sur la prétendue faillite du cinéma italien !).
Ils donnent ici la réplique à un extraordianaire débutant de quatre-vingt ans : Carmello Di Mazzarelli, un pêcheur découvert à Marina di Ragusa. Extrait « d’une fosse de la mémoire » comme le dit G. Amelio, où l’on jeté un régime xénophobe, le voilà promu prête-nom pour une magouille à l’italienne et finalement involontairement héros qui finira par tisser une bouleversante amitié avec Gino, le voyou chargé de le duper.
Nous ne sommes pas là pour accueillir toutes les misères du monde, disait l’autre. Il parlait sans doute avec raison. Mais ce film s’adresse au cœur. »
André Videau / Revue Hommes & Migrations /Année 1995 / N°1185 / page 62
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