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Deuxième rassemblement pour dire NON au concert de Bertrand Cantat

Mercredi 14 mars 2018 à 19:00
Esplanade devant la Belle Electrique

Bertrand Cantat remet ça, nous aussi !

Soyons nombreuses et nombreux devant la Belle Electrique dès 19H contre la banalisation des violences faites aux femmes.
Cantat dit que Grenoble c’est le moyen âge, et bien les sorcières sont vener’ !

Un appel qui revient sur toutes les raisons pour lesquelles la présence de Bertrand Cantat sur scène est inacceptable. Il répond aux arguments les plus souvent utilisés par ses défenseur-euse-s et montre en quoi le débat actuel autour du chanteur en dit long sur comment on considère les violences faites aux femmes, la justice et qui a le droit à la notoriété "malgré tout".

Lien vers la pétition pour l’annulation du concert :
https://www.change.org/p/%C3%A9ric-piolle-le-maire-de-grenoble-doit-annuler-le-concert-de-bertrand-cantat-%C3%A0-la-belle-electrique

(Pour le texte annoté, cf. pièce jointe)

Appel à rassemblement le 13 mars à 17h30 pour dire NON
au concert de Bertrand Cantat à La Belle Electrique !

Les 13 et 14 mars 2018, Bertrand Cantat sera en concert à La Belle Électrique à Grenoble. Il nous est impensable de ne pas réagir face à ce choix de programmation.
De plus, l’histoire de ce chanteur nous semble emblématique et donc une bonne occasion de revenir sur la notion de justice, et sur la manière dont notre société se comporte face aux violences faites aux femmes.

Pour ceux et celles qui pensent que le meurtre de Marie Trintignant n’était qu’un accident, une erreur de parcours  

Revenons sur les faits, dans la nuit du 26 au 27 juillet 2003, Bertrand Cantat assène 19 coups violents à sa compagne Marie Trintignant. Malgré l’hémorragie et le coma qui s’ensuivent, il la laisse sans secours pendant plusieurs heures. Elle décède le 1er août à l’hôpital.
Il ne s’agit pas là d’un « pétage de plombs », d’un événement isolé. Au contraire, cet acte s’inscrit dans les mécanismes de la violence conjugale, aujourd’hui bien connus.
L’idée du « pétage de plombs » dans les cas de crime conjugaux (ou « féminicides »1) est d’ailleurs largement relayée dans les médias qui décrivent ces « fait divers »2 comme des « crimes passionnels, n’explicitant que très rarement le contexte de violence conjugale dans lesquels ils s’inscrivent3.
Cela commence par une emprise psychologique4 (contrôle, isolement, destruction de la confiance en soi de la victime) et peut aller jusqu’aux coups, parfois mortels. Ces mécanismes permettent aux auteurs d’obtenir le contrôle sur leur partenaire et quand ils ont le sentiment que ce contrôle leur échappe, ils intensifient les violences.
Ces mécanismes ne se construisent pas « à deux », vision des choses où les membres du couple seraient à égalité responsables. D’ailleurs, les violences apparaissent souvent dans plusieurs relations de leur auteur.
Nous savons aujourd’hui que Bertrand Cantat a un long passé de violence envers ses compagnes et les femmes de son entourage. Au delà du meurtre de Marie Trintignant, il s’agit bien d’un schéma qui se répète. Peu à peu des informations sortent malgré l’omerta qui règne autour du chanteur.
Tout d’abord le message poignant laissé par Krisztina Rady (femme du chanteur avec qui il se réinstalle lors de sa liberté conditionnelle en 2007) sur le répondeur de ses parents, qui dénonce les violences qu’elle subit et ce 6 mois avant de se suicider5.
Le travail d’Anne-Sophie Jahn6 qui met en lumière les fonctionnements violents du chanteur qu’elle fait remonter jusqu’aux année 80.
Ainsi que la main courante pour harcèlement déposée récemment par une autre femme7.

Pour ceux et celles qui pensent qu’il a purgé sa peine...

Condamné à 8 ans de prison (il est relâché au bout de 3 ans et demi), Bertrand Cantat a en effet, « purgé sa peine » aux yeux de la justice. Il nous semble néanmoins nécessaire de revenir sur le système judiciaire qui a prononcé cette peine.
Le travail de nombreuses militantes féministes a permis une évolution du traitement judiciaire des violences faites aux femmes. Mais vus les faibles pourcentages de dépôts de plainte, de condamnations et les peines, souvent minimes en comparaison à d’autres crimes ou délits8, sans parler des récidives, nous avons du mal à y voir une réponse adaptée et suffisante.
De plus, notre système judiciaire n’existe pas en dehors des inégalités de classe, race et sexe qui structurent la société, au contraire il les reproduit.
Comment oublier en effet, le traitement de Jacqueline Sauvage, qui pour avoir tué son conjoint violent, a écopé de 10 ans de prison en première instance puis en appel.
De plus, on le sait, les prisons sont surtout remplies de personnes des classes les plus pauvres (et donc souvent racisées) pour des crimes et délits en lien avec leur situation économique et le peu d’opportunités qui leur sont offertes par cette société.
Et contrairement à Bertrand Cantat, tout le monde n’a pas les moyens de s’offrir un avocat de renom qui mettra l’affaire dans ses priorités et ainsi d’écoper d’une peine très faible, puis à être transféré au bout de 6 mois en France et bénéficier des remises de peine.
Nous ne voulons pas dire qu’il aurait dû faire plus de prison, nous souhaitons juste souligner « l’injustice de la justice ». Pour nous, la prison n’est pas une solution adaptée. C’est une punition décidée par l’État qui n’offre pas de vraies réparations aux victimes, ne responsabilise pas les auteurs de violences et ne change rien à leur comportement. Bien sur, elle permet aux rares femmes qui arrivent au bout de ce parcours de la combattante de pouvoir reconstruire leur vie en sécurité pendant un temps, mais quand le condamné sort de prison, ni elles, ni les futures compagnes de celui-ci ne sont à l’abri.
Le cas de Bertrand Cantat démontre cela parfaitement.

… Et peut donc reprendre le cours normal de son existence

La prison voudrait donc dire l’absolution ? Oubli et pardon, on fait comme si rien n’était arrivé ?
Et que se passe-t-il pour ceux qui s’en sortent parce qu’il y a prescription, parce que la procédure ne va pas au bout, ou pour toutes les autres raisons qui font que les auteurs de violence ne sont souvent pas condamnés9 ?
Et que penser de ce père de famille condamné à 18 mois de prison avec sursis pour les viols qu’il a commis sur sa fille de ses 9 ans à ses 15 ans10 ? Bah c’est bon la justice à tranché ! Peut-être il joue bien de la guitare et on pourrait l’inviter à se produire à la fête du quartier ? Ou à la fête de l’école tiens ! En duo avec Bertrand Cantat peut-être ? Sans doute pas...
On voit l’hypocrisie de ce pseudo-discours sur la réinsertion. Mais ses fans ne se cacheraient-iels pas derrière pour pouvoir continuer à l’aduler sans mauvaise conscience ? Étonnamment ce vrai problème est soulevé dans le cas du chanteur, mais beaucoup moins pour toutes les personnes qui sont incarcérées pour des faits bien moins graves et souvent liés aux injustices économico-sociales comme nous l’avons vu. Pourtant ces personnes-là, elles, vivent vraiment la stigmatisation qui est le corollaire de leur peine de prison et ont du mal à décrocher les boulots même les moins valorisés… Il semblerait que la prison salisse certain-e-s et en blanchisse d’autres...
Peut-être qu’on ne s’intéresse à cette question que quand « reprendre une une vie normale » consiste à être sous les spot lights avec l’argent et les fans qui vont avec ?

Mais alors, qu’est ce qu’on voudrait qu’il fasse ?

Ce que nous attendons de quelqu’un comme Bertrand Cantat est avant tout qu’il agisse avec responsabilité et décence, ce qui veut dire, par exemple, mettre la réparation et le bien être des autres avant le sien et penser aux victimes (si elles sont encore vivantes), à leurs proches et à toutes les femmes qui ont subi des violences.
C’est pour cela que nous trouvons inacceptable que Bertrand Cantat ait repris une vie publique, qu’il sorte un album, qui plus est intitulé Amor Fati (« l’amour du destin » ou « accepter son destin »), monte sur scène pour se faire acclamer, apparaisse en couverture des Inrocks.
Au cours de l’interview complaisante publiée par le magazine, il explique comment ce qui lui est arrivé était dur et qu’il devait prendre des médicaments pour s’en remettre, qu’il avait même pensé au suicide, etc.11. Les larmes nous montent… Mais non, il ne s’agit pas de quelque chose « qui lui est arrivé », il en est responsable, il a agit et tué. Mais cette victimisation indécente d’un agresseur ne nous étonne pas, c’est un phénomène très courant dans ce genre de cas.
On ne lui demande pas d’aller habiter sur une île déserte, mais oui qu’il se mette en retrait. C’est un artiste de talent, très bien. Libre à lui de composer pour d’autres et de faire de la musique avec ses ami-e-s. Accorder plus de temps à des soins psychologiques pourraient aussi être une bonne idée, mais pour qu’ils soient générateur de changement, encore faut-il être conscient de ses problèmes et en prendre l’entière responsabilité.

2 poids 2 mesures : qui a le droit à la notoriété et au pardon ?

Des événements médiatiques récents nous montrent les inégalités de traitement quant à qui peut garder une place publique ou pas.
Le 9 février dernier, Orelsan est consacré par trois « victoires de la musique ». Comment oublier ses paroles et leur violence sexiste exacerbée, comme dans sa chanson au titre poétique Sale pute dont nous ne citerons ici que le très à propos « J’te collerai contre un radiateur en te chantant Tostaky »12 ou encore celles de Saint Valentin « Mais ferme ta gueule ou tu vas te faire Marie-trintigner ». On voit au passage comment les références aux actes de Bertrand Cantat sont utilisées pour participer au climat de terrorisation des femmes.
Mais voilà, pas de problème pour le rappeur blanc, sa condamnation -sur plainte d’associations féministes- pour « provocation à la violence envers les femmes » a été cassée par la cour d’appel au nom de la « liberté d’expression », et on pourrait parier qu’elle n’aurait pas changer grand-chose de toutes façons parce qu’après avoir payé ses 1000 euros d’amande, il aurait lui aussi réglé sa dette… Et puis c’était y’a longtemps !
Mais la liberté d’expression, ce n’est pas pour tout le monde, et le bénéfice du temps qui passe non plus.
Le 3 février dernier, oh miracle !, une jeune femme voilée, Mennel, fait son entrée sur le plateau de l’émission de télé crochet de TF1 The Voice. On y a presque cru, enfin une personne faisant partie de ce qui est sans doute la population la plus discriminée et stigmatisée en France (aux croisées du sexisme et de l’islamophobie) a accès aux spots light ! Mais notre joie fut de courte durée. Très vite, de vieux twitters de la candidate sont déterrés par la fachosphère, on ne sait pas comment, et comme toujours, sont relayés par les médias dominants.
Montés en épingle, ces messages sont lus comme des « apologies du terrorisme ». Là, pas besoin de jugement : malgré ses excuses, après une polémique d’un niveau pathétique remplie d’amalgames et d’islamophobie écœurante, Mennel se retire de l’émission.
Pendant ce temps, malgré la libération de la parole des femmes grâce à #Me too et #Balance ton porc, des hommes politiques accusés de violences sexistes diverses restent bien en place.

Et les fans dans tout ça ?

Et oui, Bertrand Cantat a beaucoup de fans. Voix rock et engagée de toute une génération (dont nous !), avec Noir Désir, il chantait tout haut ce qu’on rêvait d’entendre et casser ainsi la pensée unique présente dans la plupart des médias. Le beau gosse de la gauche de la gauche est devenu un porte-parole, un symbole.
Et oui, ça aurait été tellement plus facile si c’était un vieux type moche de droite, les organisations de gauche auraient alors sans doute eu moins de mal à condamner son retour sur scène...
Vouloir oublier ses actes et le maintenir sur son piédestal, aller l’acclamer sur scène, acheter ses disques, nourrir sa notoriété, ne font que renforcer sa position d’intouchable. L’omerta autour de lui reste encore à détruire, et plus il aura du pouvoir, plus ce sera difficile pour ses victimes et les témoins de parler.
Personne ne veut être le/la méchant.e qui ternie l’image de l’idole rebelle et devra en payer le prix : décrédibilisation, attaques personnelles, procès (Cantat semble assez friand des procès pour diffamation envers celleux qui l’attaquent, heureusement, il en perd).
Si vous avez vos billets, déchirez- les et rejoignez-nous !

Soyons nombreux-ses le 13 mars devant La Belle Électrique dès 17H30 pour manifester notre ras le bol et notre colère face aux violences faites aux femmes et leur banalisation !

mardi 13 mars 2018
mercredi 14 mars 2018

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