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Répression et perspectives au Bélarus : interview avec l’Anarchist Black Cross

L’ABC Bélarus a fait une rapide tournée en France et en Allemagne cet Automne. En 2011 et 2014, nous les avions déjà accueillis ; le contexte était alors différent, car depuis, en 2020, le Bélarus a vu éclater - et se faire réprimer - sa plus grande révolte contre la dictature. Puis début 2022, l’invasion de l’Ukraine par l’armée Russe a changé la donne dans toute la région.

Il y a donc beaucoup à discuter : quel est l’état des lieux de la répression au Bélarus suite au mouvement de 2020, contre lequel Loukashenko se venge encore ; comment luttent nos camarades Bélarusses, la plupart étant en exil ; quelles sont les perspectives dans cette région du globe, au vu du contexte actuel. Et bien évidemment, comment pouvons aider l’ABC Bélarus, car nos camarades sont actuellement débordés par la répression roulante de la dictature et ont besoin de notre soutien urgent. Les coordonnées pour leur envoyer de l’argent sont trouvables sur leur site.

Une rapide présentation de l’Anarchist Black Cross (ABC) Bélarus ?

L’ABC Bélarus a été créée en 2009 et s’est développée en tant que collectif après une vague de répression contre les anarchistes en 2010. Depuis, le groupe propose de l’assistance juridique, rassemble des fonds pour couvrir les frais de justice des militants et permettre à celles et ceux en prison de cantiner, écrit des textes sur l’anti-répression et les tactiques policières, et tente d’informer sur le prisonnières et prisonniers anarchistes d’autres pays. Actuellement, nous sommes débordés par la quantité de personnes que nous essayons d’aider (plus de trente), et nous nous concentrons sur la couverture de leurs frais de justice et l’aide financière aux familles des incarcérés.

Pouvez-vous faire un point sur le contexte répressif suite au mouvement de 2020 ?

La tactique répressive ainsi que les groupes visés ont changé du tout au tout. Auparavant, c’étaient les personnes qui militaient depuis longtemps qui étaient visés, incarcérés plusieurs semaines, licenciés de leur travail ou, rarement, emprisonnés pour crime lorsqu’il y avait des preuves qu’ils ou elles avaient commis quelque-chose. À l’heure actuelle, nous avons l’impression que la police se venge sur toutes celles et ceux qui ne soutiennent pas le régime, avec des méthodes allant de la torture à l’humiliation publique – par exemple en filmant des vidéos de repentir par la force –, le harcèlement, l’arrestation de proches si vous êtes introuvable, la mise à l’orphelinat des enfants des contestataires et le fichage comme « familles à risque » des familles dissidentes.

À l’heure actuelle, plus de trente anarchistes et antifascistes sont poursuivis pénalement, et nous avons des échos d’autres prisonnières et prisonniers se revendiquant anarchistes, qui ont choisi l’action directe comme moyen de lutte. Quantitativement, on peut comparer cela avec les trente journalistes actuellement incarcérés au Bélarus ; parmi les groupes ayant une identité politique claire, les anarchistes sont probablement les plus réprimés.

Anarchistes inculpés pour terrorisme, après avoir pris les armes en 2020

D’autres collectifs anti-répression ont compté plus de 2400 personnes emprisonnées suite au mouvement de 2020. Ce compte n’est pas définitif, car beaucoup ont peur et ne contactent pas les groupes de défense des droits humains pour témoigner de leur répression. D’ailleurs, les associations de défense des droits humains étaient en premier lieu réticentes à reconnaître comme prisonniers politiques les contestataires « violents » ; cela à changé après une campagne des anarchistes pour la reconnaissance de toutes et tous.

L’État utilise de plus en plus la législation "anti-extrémisme" pour réprimer les dissensions. Plusieurs articles ont été ajouté au code pénal pour criminaliser les donations, le partage d’information, les publications de commentaires ou n’importe quel type d’aide au bénéfice d’une « association extrémiste ». Une association n’est pas une groupe auquel l’adhésion est clairement définie, cela peut être n’importe quel ensemble de personnes qui demandent un changement de régime ou vont à l’encontre des intérêts du Bélarus. Beaucoup de médias sont tombés sous ces articles, qui en gros criminalisent à la fois la production et l’exposition à du contenu protestataire. Le collectif anarchiste Pramen a été déclaré extrémiste, ce qui a entraîné l’incarcération de plusieurs camarades à des peines de cinq ans de prison pour avoir tenu une banderole avec l’adresse du site Pramen.io pendant une manifestation.

Les procès peuvent maintenant se tenir par contumace [1] ; cela est dû au fait que beaucoup de militantes et militants ont fui le pays mais continuent à lutter de l’extérieur contre le régime. L’État condamne ces personnes à des peines de prison et à des amendes énormes, ce qui entraîne la confiscation de leurs biens. Par dessus ça, les « extrémistes » perdent leur nationalité bélarusse.

La guerre a marqué le début d’une vague de sabotage contre les voies-ferrées pour ralentir les transports de troupe et d’équipement russes. Au moins vingt personnes sont incarcérés pour terrorisme. En quelques mois, le parlement a passé une loi permettant la peine de mort pour les tentatives d’actes terroristes.

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