Une fois l’arrivée fracassante de cette nouvelle actrice dans le dossier La Borie, ça a pris quelques temps pour se remettre de nos émotions. Rapellons que cette personne s’est installée sur un terrain où vivent déjà des gentes, sans même être venu nous voir au préalable, tout en faisant venir une pelleteuse !
Si le premier contact fut désastreux, il y a eu toute une série d’échanges qui nous a fait miroiter que cette personne pouvait être de bonne foi. Cependant, c’est en ignorant nos demandes qu’elle a
complètement défriché la deuxième piste menant accès à notre lieu de vie. Cette piste, parfaitement inutile, servait de barricade depuis des années. Maintenant défrichée, il s’avère qu’elle n’est même pas
utilisable les jours de pluie (ça va être jojo pendant les épisodes cévenoles !). En arrivant, le premier geste de l’acheteuse a donc été de nous rendre plus vulnérable à une opération policière qui jouera en sa faveur. Pourtant elle demande au maire de ne pas expulser pour le moment. Il optempère. Elle se donne le beau rôle. Au final, on est même pas expulsable légalement, une procédure doit être relancée.
Peu après son arrivée, elle nous dit à plusieurs reprises qu’elle se dédouanne d’une future expulsion. Elle se considère complètement extérieure à ce conflit qui n’implique que les squatteur.euse.s et le
maire. N’est-elle pas consciente qu’en tant que future propriétaire, c’est elle qui acte la destruction de ce qu’on a mis des années à construire et à protéger ? Peut-elle vraiment ignorer que c’est la
présence des occupant.e.s de La Borie qui a permi d’éviter sa destruction, depuis trente ans ? Et que la défense de ce lieu magnifique où elle s’imagine développer ses projets agro-touristiques a été
possible grâce à celleux qu’elle attend maintenant de voir expulsé.e.s de force ? Belle reconnaissance. D’un côté, elle nous dit qu’elle partage nos valeurs, de l’autre elle facilite le travail des flics et utilise
les arguments de la propriété privée pour nous imposer ses décisions.
Mais elle nous comprend, sachez-le !
Comble de l’arrogance, elle nous demande de faire plus propre pour ses acheteurs et investisseurs. Elle menace de faire venir les flics à la moindre exaction et parle de nous faire “déplacer”. Elle nous propose même d’ouvrir un musée sur nos luttes comme ça on pourra en faire vivre la mémoire. UN MUSÉE ! Petite nouvelle, madame : la bataille pour La Borie n’est pas terminée, elle est toujours bien vivante. On n’abandonne pas si facilement. Bienvenue dans l’arène.
Un projet agro-touristique éco-quoi ?
Selon le document de présentation du “Projet d’installation agricole” dont on a obtenu copie, son projet est de faire de La Borie un site “agro-touristique” à destination commerciale et pseudo-sociale. Elle
souhaite fabriquer une forêt comestible exploitable et commercialiser sa production (voir l’image ci-contre, tirée du document, un peu modifiée…). Surtout, elle va construire 10 emplacements de
“bivouac naturel” de luxe loués comme “lieu de vacances en famille, entre amis ou en comité d’entreprise”. Ceux-ci comprendront chacun leur propre tente sophistiquée, leur propre toilette sèche, leur propre cuisine, leur propre douche et leur propre jardin comestible. Adieu la gratuité de La Borie. Le montant estimé pour l’achat de matos de ces installations “rudimentaires” ? 22 500 euro. Vraiment. On vit dans le même monde. Les projets collectifs gratuits c’est bon pour les musées. Vive les installations individuelles payantes destinées au “tourisme écologique” !
Sur le plan éco-lol, notre chère nouvelle arrivante prétend également faire découvrir “un environnement totalement protégé” où elle n’utilisera pas de “tracteurs qui tassent le sol, empêchent le drainage
et la formation de racines”. En regard du défrichage de la piste (voir la photo ci-contre), on peut se permettre de douter de son interprétation de “totalement protégé”. Selon les témoins qui étaient
sur place, il s’avère que ce n’est pas aux ciseaux qu’elle s’est taillé son allée inutile, mais bien à la pelleteuse et au bulldozer. C’est pour le moins étrange, non ? pour une personne qui se félicite de ne pas utiliser de tracteurs par soucis pour le drainage et les racines. Permettons nous de douter, encore une fois, de la bonne foi de ce personnage. D’autant plus qu’elle parle d’une “bienveillance envers la
nature et les personnes”… Alors là ! Faudrait pas nous prendre pour des bureaucrates, on pourrait y croire !
“Il n’existe aucun autre lieu d’accueil de ce genre dans le Parc Naturel des Cévennes”
– citation rigolote
Ce qui nous choque (ou nous fait marrer) encore plus, c’est l’aspect pseudo “social” de ce projet et l’absence totale et délibérée de considération pour ce qui est déjà en place ici. En fait, outre la
commercialisation de sa production et la location aux touristes, un de ses objectifs est de proposer des séjours de soutien thématiques (comme “soutien dans le deuil”, “yoga et remise en forme”, “survie dans la nature”, “protection de l’environnement et recyclage”, etc.) lors desquelles elle fera payer le gros prix en fonction des revenus. Cette gentrification de La Borie pour les bobos et les touristes en mal de connexion avec l’environnement, de même que les revenus de sa production agricole commerciale, permettront de financer des “séjours de rupture” pour des jeunes en galère qu’elle souhaite faire travailler. Oui oui ! Parce que travailler, c’est ça qu’ils souhaitent les jeunes ! On avait
dit social ? Oui oui : réinsertion sociale. Un projet unique, novateur, alliant tourisme, gentrification et réinsertion. Du jamais vu.
En soi, c’est super de proposer des “séjours de rupture” à des jeunes qui galèrent dans la vie. Ce qu’elle ne réalise pas trop, c’est que La Borie est DÉJÀ un lieu refuge pour toute sorte de jeunes (et moins jeunes) qui sont dans différentes galères et qui, en plus, arrivent à s’organiser sans rapport hiérarchique ni collaboration avec l’état. Diantre ! Ces gentes peuvent même habiter le lieu sans avoir à y travailler et sans payer ! C’est gratuit, improductif et… épanouissant ? Scandale ! Et il parait qu’illes rejettent la notion de propriété privée et considèrent La Borie et sa plage comme un espace collectif et
ouvert à toustes… et ce depuis des années ! Tellement qu’on arrive même pas à les virer !
Une question persiste : peut-on vraiment s’attribuer une étiquette “sociale” quand on vire des personnes de chez elles pour les remplacer par des touristes et faire de la réinsertion par le travail ? Pas
étonnant que son collaborateur ait abandonné le projet…
Et alors, tu fous quoi là, à nous reprocher de n’avoir rien fait de La Borie pendant 15 ans, alors que tu ne connais rien de l’histoire de ce lieu qui est, notamment, une référence dans les réseaux anti-psychiatrie et féministe ? Tu penses qu’on va rester là, à te regarder t’installer et à détruire ce lieu-refuge si rare et précieux ? Contre la mairie, on résiste. Contre l’achat de La Borie, on résistera aussi.
Yo. Au lieu de nous couper l’herbe sous le pied, si tu partages des valeurs communes avec nous, pourquoi ne pas, justement, faire vivre la commune de La Borie ? C’est dommage, on aurait pu bien s’entendre, prendre le temps de mieux se connaître… mais fallait cependant y penser
avant de débarquer avec tes grands sabots de future propriétaire sur un territoire en lutte !
– Non mais, illes se prennent pour qui ces squatteur.euse.s ?
Pour des squatteur.euse.s, justement. Faudra faire avec.
– Mais quelle arrogance !
EDITORIAL
Pourquoi ce journal ? Pour donner des news, pour s’exprimer, pour montrer que nous sommes toujours là. On s’est senti tellement depassé.e.s par toutes les choses qui arrivent en ce moment à La Borie. C’est incroyable ce qui se passe tous les jours. Puis on rencontre des personnes qui demandent tout le temps “Ah ça existe toujours La Borie ?! Vous n’étiez pas sensé être expulsé.e.s ?” Eh bah oui ! Mais alors comment expliquer, commencer par où ? Si on ne comprend même pas soi même qu’est-ce qui est en train de se passer. Ce qu’il faut essayer de comprendre, c’est que c’est tous les jours (ou
pratiquement) “comme ça”. Un “comme ça” indescriptible, aussi difficile que de tenter sa chance à décrire le mouvement de l’eau. Un torrent, par exemple, prend de multiples formes, se fracasse sur les pierres à une vitesse variante, partage des directions infinies… ce sont ces sphères de spontanéités qui animent les journées à La Borie.
C’est aussi pour a qu’on a du mal à donner des news régulièrement. Il y en a beaucoup !! Dernièrement, l’arrivée d’une personne qui veut acheter La Borie nous a bien bousculé. On nous dit qu’on a de la chance avec elle, que son projet n’est pas si mal. Mais en vrai, il faut appeler les choses par leur nom. Vendre du développement durable – c’est du capitalisme greenwashé. Acheter un lieu déjà squatté pour gagner des thunes en acceuillant des touristes – c’est de la gentrification.
Donc voilà, ce journal c’est un cri, c’est la matérialisation d’un moment de torrent qui s’est craché sur des feuilles. Les textes et autres choses qui ont trouvé leur chemin dans ce joural sont des
perspectives individuelles, et parfois collectives. Ensemble, peut-être composent-elles une image qui représente un peu ce qui se passe ici. Au moins c’est l’idée du truc…
Et tout cas, viens toi même, te faire ta propre idée… ACABisoux <3
La Borie Post - août 2019
Editorial, Chronologie été 2019, Le Projet de l’arrogance, poèmes,
Lettre à tante Gertrude, dessins, Acheteuse, collages, La Borie ne peut
pas etre monnayée, Pourquoi il faut défendre les alternatives, Il était
l’histoire d’un hérisson punk, Pourquoi La Borie n’est pas expulsable
légalement, L’horoscope du Mois, Invitation au Grand camping écolo
anarcho feministo à la Borie.
la borie post, version A4 brochure
https://cloud.eauchat.org/index.php/s/mpcFyGp2Gic8zfM
la borie post, version page par page
https://cloud.eauchat.org/index.php/s/ZXBif9H2LyxsTHf
Plus d’info sur le site de La Borie : https://laborie.noblogs.org/
POUR NOUS ÉCRIRE :
(on aime bien recevoir des cartes postales)
La Borie de Falguières
30270 SaintJeanduGard
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