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Communiqué des femmes de prisonniers de Condé sur Sarthe et du Syndicat PRP Suite au premier parloir à Condé-sur-Sarthe depuis le blocage

Ce mercredi 27 mars 2019, nous avons enfin pu voir nos proches, nos frères, nos maris. Cela faisait trois semaines ; trois semaines d’inquiétude. Depuis trois semaines, nous n’avions de leurs nouvelles que par des coups de fil de quelques minutes. Et ces nouvelles étaient angoissantes. Depuis trois semaines, nos proches ont subi la violence sourde de la grève des matons.

En bloquant la prison de Condé-sur-Sarthe, les matons ont rajouté de l’isolement à l’isolement. Construite pour enfermer des hommes condamnés à des « peines infaisables » durant une vie entière, cette prison est déjà ultrasecurisée. L’enfer vécu par nos proches, que nous avons déjà dénoncé, nous a été confirmé, durant nos parloirs. Pendant trois semaines, ils ont été enfermés dans leur cellule toute la journée : pas de promenade, pas d’accès au travail -donc moins de moyens pour cantiner le mois prochain. Ils ne recevaient de la nourriture qu’une fois par jour (une baguette et une boîte de thon, et pour certain une portion de riz pour trois jours). Il n’y avait pas non plus de cantine (le magasin interne de la prison où les prisonniers peuvent acheter de la nourriture ou des cigarettes… à des tarifs plus élevés qu’à l’extérieur). Certains ont eu droit à leurs cigarettes, mais pas tous. Pour certains, les télés, plaques de cuisson ou encore table et fer à repasser ont été confisqués. Il y a aussi eu des coupures d’électricité, d’eau et de chauffage. Enfin, les poubelles se sont entassées dans les cellules, car les déchets n’étaient pas récupérés… Ils ont été enfermés par les Eris (le GIGN de la prison) qui ont appliqué leur pratique (encore plus) brutale durant ces trois semaines : comment supporter de se faire livrer sa seule gamelle de la journée par une personne cagoulée, qui d’habitude nous frappe et nous envoie au mitard lorsqu’on exprime nos désaccords face à l’administration ? Les Eris ont passé à tabac ceux qui dénonçaient la situation.

Lorsqu’enfin le blocage devait cesser, ils ont subi l’humiliation supplémentaire d’une fouille intégrale de la prison. Après leur avoir fait vivre l’enfer, les matons osent s’étonner d’une « certaine froideur et de l’incompréhension de la part des détenus, car ils se considèrent eux aussi comme victimes ».

On doit le dire, on est arrivées pour ce parloir un peu inquiètes. L’administration pénitentiaire a accepté l’ensemble des mesures sécuritaires demandées par les syndicats de matons fascisants. La presse relayait que les moments collectifs vont être encore plus limités et vont renforcer l’isolement de nos proches (fermeture des espaces communs, locaux réaménagés pour limiter les regroupements, les Eris vont rester dans l’établissement encore longtemps). Des grilles vont être installées à la place des barreaux actuels limitant les possibilités de yoyo (grâce aux yoyos, les prisonniers peuvent se filer des objets de cellule en cellule – durant le blocage ce fut essentiel : nos proches ont été solidaires entre eux en s’échangeant cigarettes ou bouffe grâce aux yoyos car ils étaient bloqués en cellule 24h sur 24).

Les mesures sécuritaires sont déjà mises en place avec des conséquences désastreuses. Alors que la situation était déjà intolérable avant le blocage, elle empire… Les Eris continuent à tourner dans l’établissement en soutien aux matons. Les espaces collectifs sont fermés : pas d’accès aux cuisines collectives et aucune possibilité d’y récupérer la nourriture stockée qui a été jetée, pas d’accès aux machines à laver… Le matériel confisqué n’a toujours pas été rendu entrainant pour certains l’impossibilité de se faire à manger.

On était inquiètes, car on se demandait comment nos proches seraient : dans quel état de stress ? Ne seront-ils pas trop marqués par ces trois semaines d’isolement ?

On était inquiète pour nous-mêmes aussi ; nous qui vivons les peines de nos proches par procuration, sans être passés devant un juge. La semaine dernière, les matons ont cherché à faire monter la pression sur les réseaux quand on revendiquait notre droit à voir nos proches. Mais ils avaient disparu vendredi dernier, lorsqu’on est venues devant Condé-sur-Sarthe. Ils ne nous avaient pas laissées entrer, mais au moins, ils n’étaient pas venus à la confrontation. Reste qu’ils avaient annoncé des fouilles des familles pour la reprise des parloirs ce mercredi.

Qu’allaient-ils encore nous réserver ? Juste des palpations ? Qu’allaient-ils faire avec les enfants et les nourrissons ? Par précaution, pour ne pas traumatiser les petits, certaines d’entre nous ont préféré y aller seules pour ce premier parloir.

En arrivant, on constate rapidement que les matons ont la haine contre nous : ils ont saccagé l’abri famille. Dès l’arrivée dans le sas, on comprend qu’ils feront tout pour nous humilier. Il y a des flics en renfort. Avec les matons, ils sont une vingtaine, et le directeur adjoint de la prison est là, alors que nous sommes moins de quinze… Ils nous font aligner contre le mur. Les enfants sont tous palpés, et pour les nourrissons, il faut leur enlever la couche devant un flic. Les adultes finissent tous en sous-vêtements ; on nous demande même de secouer nos culottes et soutiens-gorge. Le directeur adjoint force les flics à fouiller un vieux monsieur qui avait été initialement dispensé de l’humiliation. On comprend pourquoi certains prisonniers ont préféré demander à leurs proches de ne pas venir pour leur épargner cette humiliation. Le directeur adjoint se charge de mettre la pression sur certaines familles, leur demandant de gérer leur mari « agressif » (qui ne le serait pas après trois semaines dans ces conditions ?) sous peine de se voir supprimer leur parloir.

De nouveau, nous dénonçons les conditions d’incarcération de nos proches. Nous dénonçons l’existence même de la prison de Condé-sur-Sarthe, qui applique des peines de mise à mort sociale. Nous dénonçons l’isolement qu’ils subissent et les humiliations qui se cachent derrière les mesures « sécuritaires ». Nous ne pouvons accepter que nous, famille et proches, qui n’avons jamais condamnées, nous subissions aussi l’enfermement, et que nous soyons fouillées par des matons.

Toujours aussi déterminés, nous resterons toujours solidaires avec nos proches ! Et avec les autres prisonniers qui ont subi des blocages, comme à Seysse, où ils ont refusé de remonter de promenade !

Le syndicat PRP et des femmes de prisonniers de Condé-sur-Sarthe

Sur un mur de la ville de Seysses (31)

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