par #Fatima Khemilat — 5 février 2021
La loi sur le séparatisme a été rebaptisée « Loi confortant les principes républicains » – et plusieurs raisons expliquent ce changement.
Il n’est pas interdit de « faire communauté »
Tout d’abord, il aurait été juridiquement très compliqué d’adopter une loi contre le communautarisme, dans le sens où il n’est pas interdit de « faire communauté », cela fait même partie des droits fondamentaux et libertés collectives garanties par la Constitution. L’on peut faire partie de la communauté nationale et d’une communauté ethnique, religieuse, professionnelle ou encore politique sans que cela ne pose problème, car « faire communauté » signifie sociologiquement (selon Max Weber qui parle de « communalisation ») se regrouper par affiliation et sentiment d’appartenance. La sociologie a montré depuis longtemps que les identités étant multiples, les individus s’inscrivent toujours, peu ou prou, dans plusieurs groupes. D’ailleurs, l’appartenance à une autre communauté que la communauté nationale peut même être incitée par le gouvernement : c’est le cas pour la communauté européenne (voir les travaux de Stéphane Dufoix dans le livre Communautarisme ? de Julien Talpin et Marwan Mohammed).
Séparatisme une notion « importée »… et coloniale
La notion de séparatisme est empruntée à l’anglais où la notion de communautarisme n’existe pas. Le terme « separatism » a notamment été utilisé au Royaume-Uni afin d’ostraciser certaines minorités religieuses, comme l’indique Vanessa Codaccioni dans l’extrait suivant : « les « séparatistes » furent d’abord ces chrétiens en rupture avec l’Église anglicane – on dit « separatists » aussi en anglais. C’était le cas des quakers ou des presbytériens, par exemple. » Ce terme renvoie à l’idée qu’il existerait des communautés qui seraient hostiles à la communauté nationale ou majoritaire et qui souhaiteraient, en quelque sorte, faire sécession. Dans le cas français, la notion de séparatisme résonne d’autant plus qu’elle a son pendant : l’universalisme. La théorie politique de la nation française se fonde en effet sur l’universalisme républicain, c’est-à-dire sur l’idée d’une nation comprise comme une et indivisible, aux valeurs universelles qui s’appliquent à toutes ses composantes, indépendamment de leur origine, race, genre ou classe sociale. De sorte que, s’il est possible en théorie d’appartenir à plusieurs groupes, il faille néanmoins que les normes et les « valeurs de la République » soient mises au sommet de la pyramide. Et c’est précisément l’inverse qui est reproché aux « séparatistes islamiques », soupçonnés de placer leur foi et les normes de leur communauté religieuse au-dessus de leur appartenance nationale et des lois de la République.
D’un point de vue historique cette fois-ci, le séparatisme est la version moderne de « l’indépendantisme ». Historiquement, l’accusation d’indépendantisme ou/et de séparatisme a été employée pour disqualifier les mouvements soupçonnés de mettre en danger l’unité culturelle, linguistique mais surtout territoriale de la France. Faut-il rappeler que sous la royauté déjà, sous les Républiques ou l’Empire, de manière continue et systématique, toutes les tentatives visant à promouvoir la reconnaissance de corps composites et autonomes de la nation française (la religion catholique, protestante, les fédérations, les revendications territoriales, culturelles ou linguistiques, etc.) ont été écrasées dans le sang ?
Selon Vanessa Codaccioni, il faut néanmoins attendre 1939 pour que le terme de séparatisme soit pour la première fois employé en France. Il est alors utilisé « pour cibler les communistes, soupçonnés de promouvoir les intérêts de l’URSS ». Plus tard, les demandes d’indépendance et d’autonomie formulées par les peuples colonisés, dont le peuple algérien, ont été taxées de séparatisme, notamment par le général de Gaulle. Ce fut également le cas pour les mouvements indépendantistes, basques, corses, guyanais ou guadeloupéens.
Vous pouvez consulter l’intégralité de l’article sur le site sur le site dièses :
Le séparatisme revient à interdire aux minorités discriminées de s’auto-organiser
Des mesures inefficaces et contre-productives
dièses est né d’une observation très simple : les discussions sur ces sujets sont souvent très difficiles. Les personnes révoltées par les discriminations peinent à être entendues sans voir leurs propos déformés ; et celles qui se sentent moins concernées ne comprennent pas toujours pourquoi les premières s’indignent.
Compléments d'info à l'article