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Pourquoi nous sommes dans les manifs du samedi contre le pass sanitaire

La question que nous sommes plusieurs à nous poser depuis l’annonce en juillet de l’obligation vaccinale qui ne dit pas son nom et de la mise en place du pass sanitaire est : pourquoi la gauche et nous – autonomes, syndicalistes, squatteur.e.s, féministes, bref notre mouvement et ses sympathisant.e.s – ne nous sommes pas retrouvés dans la rue dès cette annonce ?

Certains répondront – ce qui n’est pas entièrement faux ni entièrement vrai – que c’était les vacances estivales.

Et la rue, elle est à qui ?

Souvenons-nous qu’à l’annonce d’un énième état d’urgence, nous étions dans la rue, des manif sauvages et des manif déclarées ont été organisées immédiatement. Alors pourquoi cet été étions-nous absent.e.s alors qu’il est évident que ce sont des luttes que nous menons toutes et tous depuis des années ? Nous sommes antiautoritaires, contre les discriminations, contre la société de surveillance et de contrôle, contre la casse du droit du travail et pour la défense des travailleurs.euses.

De la même façon que la gauche institutionnelle a depuis longtemps renié ses valeurs et a délaissé un certain nombre de combats, nous-mêmes avons été absent.e.s cet été et avons laissé la place à l’extrême droite. Cette dernière qui depuis des années récupère une partie de nos revendications quelles soient féministes, écologistes, anticapitalistes et maintenant contre l’autoritarisme gouvernemental. Notre absence a donné davantage de visibilité à une extrême droite décomplexée qui a pu s’afficher ouvertement dans nos rues.

La présence de l’extrême-droite en aussi grand nombre dans les manifestations n’est pas intrinsèque à ce genre de mouvement. Elle est plus la conséquence de nos erreurs et de nos lacunes lors des dernières années – erreurs et lacunes qu’il est encore temps de corriger. Nous avons donc voulu rattraper le coup. Ce n’est pas parfait, ni glorieux et peut-être un peu naïf, mais au moins on ne laisse pas la rue aux fachos et on ne leur laisse pas la possibilité de s’installer dans le paysage et gonfler leurs rangs.

Les manifestant.e.s sont-ils tous des « fachos » ?

Si nous partageons certaines analyses de l’article « Nous n’avons rien à faire dans les manifs du samedi “contre le passe sanitaire” » sur la composition douteuse d’une partie des manifs du samedi à Grenoble (Grelive et son détestable Pierre-François Marie, les cathos intégristes, les Patriotes, les complotistes, les antisémites, etc.) nous souhaiterions y apporter quelques nuances.

Les auteurs du texte, qui sont venus à la manif du samedi 11 septembre dépeignent les manifestant.e.s comme des fachos, des conspis, des réacs et des libéraux. Et de conclure : « Si l’on s’accorde sur 1 500 manifestant·e·s, les 200 camarades ne pesaient effectivement pas lourds ».
Cette description réductrice de la composition de la manif nous fait penser aux innombrables reportages entendus à la radio depuis cet été dans lesquels les centaines de milliers de manifestant.e.s sont tous décrits comme des réacs d’extrême-droite car dans telle ou telle manif des personnes brandissent des pancartes antisémites. En cette période de contamination, se retrouver dans la même manif que des fachos/antisémites/conspi/réacs fait de vous automatiquement un des leurs. Un cortège anti-autoritaire de 200 personnes dans une manifestation de 1 500 personnes ne signifie pas que les 1 300 autres personnes sont d’extrême-droite. Car, contrairement à une manifestation du 1er mai par exemple, il ne s’agit pas d’un cortège constitué à 80 % d’organisations et de 20 % d’électrons libres, mais d’un cortège constitué en majorité d’individus. Bien malin qui pourra catégoriser avec certitude les 1 300 qui n’étaient pas dans notre cortège. En allant dans ces manifestations et en y portant nos propres revendications et analyses, nous espérons influer aussi sur ces autres participants, et leur faire partager nos idées.
Tout comme la présence massive de drapeaux français est jugée douteuse. Pourtant, nous savons depuis le mouvement des Gilets jaunes que ce dernier n’est pas uniquement l’attribut des réacs et des fachos mais que des manifestants se réapproprient le drapeau pour sa symbolique « révolutionnaire ». Ce n’est pas notre position, mais à quoi bon caricaturer les positions des autres ?
Il ne s’agit pas de nier la place prise par l’extrême droite dans ces manifestations, ni qu’il puisse s’y tenir des « discours d’une confusion affligeante, bourrés de contre-vérités » autour du vaccin. Mais n’est-ce pas un peu réducteur et insultant de considérer les milliers de personnes qui participent à ces manifestations comme des abruti.e.s et des réacs ? Oui, la question du vaccin est très présente, mais tous ne sont pas des « antivax » complotistes. D’ailleurs l’étiquette très générale d’ « antivax » utilisée à outrance par les médias ne rend absolument pas compte de la diversité des personnes refusant de se faire vacciner contre le Covid. Nombreux sont vaccinés mais ont des doutes sur ce vaccin et son efficacité à enrayer l’épidémie et sont en mesure de l’argumenter sans pour autant tomber dans le confusionnisme.

Un autre discours

De plus, aux yeux des auteurs de cet article, les manifestant.e.s aggraveraient leur cas car leurs revendications seraient « fondamentalement, intrinsèquement réactionnaires et libérales. La « liberté » scandée par la foule est celle du refus d’une politique vaccinale quelle qu’elle soit, donc du refus d’une politique de santé publique, elle est de celles qui nient la communauté au profit de l’individu ».
Le mot d’ordre de « liberté » brandi comme un étendard est certes ambigu et bon nombre de manifestants lui donnent sans doute un contenu libéral. À nous d’intervenir pour donner à cette « liberté » un sens plus conforme à nos idéaux qui sont à la fois libertaires et solidaires, et de trouver pour cela des allié.e.s.
Nous ne pensons pas, par exemple, que les aides soignantes, médecins, infirmières présentes dans ces manifs soient contre une politique de santé publique. Elles qui ne cessent de demander plus de moyens pour les hôpitaux et qui continuent à travailler dans ces lieux de santé malgré des conditions de travail déplorables depuis des années.

Beaucoup de personnes dans ces manifs sont sans doute dépolitisées, un peu « perdues » et en colère. Doit-on pour autant les délaisser au profit de l’extrême droite ? Pour notre part, nous ne voulons pas renoncer à faire de l’agitation politique afin de rallier le plus grand nombre à notre cause plutôt qu’à celle de nos ennemis. Nous sommes persuadé.e.s que c’est en proposant un autre discours que nous combattrons le fascisme et ses idées.
Pour notre part, il ne s’agit pas « d’une logique mouvementiste (être partout, tout le temps) », mais de participer à la contestation de décisions qui nous touchent dans notre quotidien (professionnel, privé, politique) et qui résonnent avec les luttes que nous menons depuis des années contre l’extension des logiques de contrôle et les politiques libérales. Nous sommes donc là avec notre expérience, notre analyse et notre énergie. Ainsi, avons-nous vu des personnes rejoindre notre cortège du mouvement social et reprendre nos slogans. Parce qu’elles se sont retrouvées dans les chansons et les slogans entonné.e.s avec une énergie joyeuse et offensive en opposition au pass sanitaire et à l’extrême droite.

Et maintenant ?

Nous ne pensons pas pour autant que les manifestant.e.s du cortège social s’illusionnent sur le « potentiel révolutionnaire » de ces manifestations.

Sans parler de victoire, nous pouvons nous réjouir d’avoir réussi à clouer le bec à coups de slogans, chansons et détermination à Pierre-François Marie qui tournait autour de notre cortège avec son mégaphone. Est-ce d’ailleurs notre présence déterminée qui l’a poussé, lui et son mouvement, à ne pas se pointer à la dernière manif du samedi 18 septembre et à organiser une autre manifestation ?

La gestion autoritaire et technocratique de cette crise sanitaire ne fait que préparer la future gestion de la crise environnementale. Si nous ne faisons rien, si nous laissons le pouvoir agir à sa guise sous prétexte que la contestation « fait le jeu de », les années qui viennent verront notre mouvement être de plus en plus marginalisé.

Dans cette époque détestable, douter de nos actions à mener est légitime et constructif. Mais nous ne pouvons pas laisser l’extrême droite s’installer impunément dans nos rues. Nous étions absents, nous sommes de retour, nous devons reprendre les rues contre le pass autoritaire et les fascistes.

Quelques participant-e-s du cortège social des manifestations du samedi contre le pass sanitaire

Les fachos (clap clap), c’est dégueulasse (clap clap), les fachos c’est dégueulasse ! (clap clap).
Pass sanitaire (clap clap), c’est dégueulasse (clap clap), pass sanitaire c’est dégueulasse ! (clap clap).
Les membres du SO (clap clap), c’est magnifique ((clap clap), les membres du SO c’est magnifique ! (clap clap).
Cortège social (clap clap), c’est trop la classe ! ((clap clap), Cortège social c’est trop la classe ! ((clap clap)…

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