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Maintien de l’ordre : état des lieux et films à voir


Le thème des violences policières est à la mode en ce moment. Des manifs contre la réforme des retraites, à Sainte-Soline, en passant par des contrôles au faciès qui tournent mal, ça fait pourtant des années que la doctrine de maintien de l’ordre évolue afin d’être de plus en plus armée, alors qu’en parallèle on accumule de plus en plus d’images permettant de montrer les exactions policières - ça, c’est quand on ne se fait pas violemment repousser ou taper en train de filmer... On y voit des flots infinis de vidéos montrant des violences des plus inouies, des corps matraqués, roués de coups, inertes à terre ou encore des visages qui se prennent des tirs de lacrymo, de grenades ou de LBD, que l’on voit défiler sur les réseaux sociaux.
Ces violences sont visibilisées lors des mouvements sociaux, mais, comme on le verra dans les ressources, elles sont banales, notamment dans les quartiers populaires, et sont liées à la fonction même de la police.
L’observatoire National Des Violences Policieres publie beaucoup sur son compte Twitter ou facebook. Asso créée en 2016, elle a pour but de "recenser des actes et victimes de violences policières, accompagner, conseiller les victimes et dénoncer les pratiques abusives".

L’Etat, la justice et la police main dans la main
Malgré ces vidéos, l’Etat s’en sort (presque) toujours : quand un.e blessé.e, même filmé et/ou avec des témoins, porte plainte contre des flics, ces derniers s’en sortent car ils ne sont pas tenus comme responsables, ils n’ont fait "qu’obéir aux ordres" (ça rappelle un pan de l’histoire). De plus les flics coupables des blessures portent eux-mêmes quasiment systèmatiquement plainte pour violence sur agent et rébellion, afin de justifier de leur exaction, et en plus d’avoir commis des agressions obtiennent parfois de l’argent des personnes agressées, via la justice. Quand un.e blessé.e a gain de cause, ce qui n’arrive quasiment jamais, c’est après une dizaine d’années de procédures judiciaires, comme ce lycéen touché à l’oeil par un tir de LBD, en 2007 à Nantes. L’État a en effet été reconnu responsable (à défaut de reconnaitre la responsabilité du policier) de la mutilation.

En mars 2023, en plein mouvement social contre la réforme des retraites, plusieurs grosses institutions dénoncent ces violences de la part de l’état fRançais. Ainsi la LDH (ligue des droits de l’homme) appelle à signer signer une pétition, en critiquant la "politique brutale du gouvernement qui plonge aujourd’hui le pays dans une situation particulièrement alarmante pour la démocratie."
Elle parle également de "nasses illégales, de l’usage d’armes mutilantes comme le LBD et les grenades de désencerclement, du gazage à outrance, de l’emploi de policiers non formés au maintien de l’ordre et réputés pour leur violence, en particulier la BRAV-M et les BAC, avec des interpellations et des verbalisations indiscriminées, du matraquage systématique et des violences gratuites et attentatoires à la dignité des personnes."

Amnesty international également lance une alerte pour dénoncer un recours excessif à la force et aux arrestations abusives, en notant le "recours excessif à la force et aux arrestations abusives", avec l’utilisation abusive des matraques, des lacrymogènes, des grenades de désencerclement :

Lors de la manifestation du 11 mars, une lycéenne de 15 ans aurait été grièvement blessée au visage, après avoir été touchée par une grenade de désencerclement selon Mediapart.
Au vu de la dangerosité de ces armes dont les projectiles frappent de façon aléatoire les personnes, nous demandons aux autorités françaises l’interdiction de l’utilisation des grenades de désencerclement

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Amnesty international dénonce aussi les "arrestations et gardes à vue abusives qui sont des atteintes sérieuses au droit de manifester".

Une autre pétition citoyenne circule sur le site de l’Assemblée Nationale, pour dissoudre la BRAV-M. Si on n’est pas dupe sur le peu d’impact qu’ont ce genre de démarche ; elle pourrait provoquer un débat en séance publique en obtenant 500000 signatures ; elle compte à ce jour presque 300000, un record pour une pétition de ce type.
Rappellant la brutalité des méthodes de cette brigade, le texte d’appel aux signature évoque aussi l’atteinte à la liberté de manifester.

C’est un des droits fondamentaux garantis par notre corpus constitutionnel : la libre communication des pensées et des opinions, la liberté d’aller et venir ou encore la liberté de réunion et d’association. Il nous incombe de les préserver et de nous opposer à tout usage excessif de la force qui viendrait les entraver.
Nous sommes du côté de la colère sociale des manifestants et non de celui du flash-ball, des grenades, des matraques et des nasses. Nous demandons la dissolution de la BRAV-M. Stoppons le massacre.

Les médias étrangers également s’alertent aussi sur la situation en France qui dure depuis des mois, avec un président sourd aux révoltes, et ils dénoncent aussi ces violences.



S’il est difficile de nier ces violences par les preuves vidéo, l’Etat (et sa police) trouve néanmoins toujours moyen de les justifier : "on ne connait pas le contexte", "le manifestant paraissait suspect", "les militants étaient armés", "on est là pour protéger" (on se demande bien protéger qui...), des raisons des plus absurdes qui sont lachées dans les médias, comme la généralisation du complot du "black-bloc organisé et financé" par on-ne-sait-qui. Pour tenter de protéger une façade bien fissurée, on y va à coup de menaces de dissolution de groupes "islamo-gauchistes", de statégies médiatiques pour donner bonne figure tant bien que mal à la police, invitant à tour de bras sur les grands médias : des flics, commissaires, préfets et des soit-disant BACeux encagoulés de la BRAV-M. L’ACRIMED, entre autres, évoque cette stratégie médiatique dans plusieurs articles.
L’Etat va mal, très mal, et ça se voit.

Pour en savoir plus :

  • le collectif Désarmons-les effectue un gros travail de recensement des armes utilisées par les flics, ainsi que des rapports des faits de personnes mutilées ou tuées par la police, avec notamment cette brochure "Les armements du maintien de l’ordre"
  • les comités "Justice et vérité" s’organisent pour parler des combats des familles des victimes de personnes tuées par la police, leur apporter du soutien et qui se battent juridiquement pour faire reconnaitre la responsabilité de la police et de l’état.
  • encore (trop) peu présente en France, l’idée de l’abolition de la police fait son chemin, grâce à Gwenola Ricordeau, ou le collectif Matsuda.
  • un article sur les origines de la BRAV-M, brigade motorisée ressuscitée après la dissolution des Voltigeurs en 1986 après avoir tué Malik Oussekine, brigade elle-même née des cendres de Vichy" pour faire la guerre aux groupes révolutionnaires”
  • un podcast de L’envolée du 30 mars 2023 : "Répression des villes et répression des champs ", qui pose cette question :est-ce que cette stratégie de brutalité policière, cette stratégie de la tension va-t-elle conduire à la dissociation escomptée par Darmanin ?
  • un article de Mediapart sur "la violence légitime", concept de Max weber, mal employé par Darmanin. Même sujet abordé sur Franceculture

Nous avons sélectionné quelques films ci-dessous, que l’on conseille de visionner car nous les trouvons très éclairants et actuels, pour se rendre compte, d’abord, de la bêtise des formations pour devenir policier et des valeurs inculquées, prônant un discours d’obéissance abrutissante et d’inculcation de la violence.
Ensuite pour connaître un peu mieux l’origine de l’usage des LBD, qui sont bien des "armes de guerre" qui tuent malgré leur appelation d’armes "non létales" ; d’abord réservées à des situations d’exception, de "terrorisme", elle ont rapidement pris comme cibles les descendant.es de populations immigrées et enfin les manifestant.es.
Enfin, retour en 2005/2006 avec les émeutes en banlieue parisienne sous Sarkozy et la loi CPE qui a engendré un énorme mouvement social pour voir cette loi retirée.
Pour finir, nous proposons de revoir le film de IanB qui évoque les violences en banlieue, les humiliations quotidiennes.

Court-métrage Notre doctrine de Damien Salama, 2020

Au terme de trois semaines de formation, des jeunes aspirants CRS sont déployés sur le terrain. Pour la plupart, ils n’ont jamais mis les pieds dans une manifestation. Chacun arrive avec des certitudes mais aussi des questionnements. Ils s’entraînent, appréhendent, fantasment l’adversaire.

Suivi d’unediscussion entre le réalisateur et une militante street-médic, 2022

Damien Salama, le réalisateur de « Notre doctrine » sur la formation des CRS, dialogue avec la street medic Emilie Rolquin, qui soigne les manifestants blessés lors de charges policières et qui a réalisé un film d’animation sur une garde à vue.

Série-documentaireAu nom du maintien de l’ordrede Paul Moreira sur Arte, 2020 :

épisode 1 : "Reculez"

Un nouveau phénomène mondialisé : une police suréquipée face à des foules furieuses et sans défense qui brandissent leurs téléphones portables pour tout enregistrer. La guerre des images sur les médias sociaux polarise encore plus la police et les manifestants.

Pendant les émeutes des Gilets jaunes en France, on a vu pour la première fois des blindés face à des manifestants dans les rues de Paris. Un signe que la police se militarise. Ce phénomène se retrouve un peu partout sur la planète, comme en témoignent les manifestations écologistes en Allemagne, Black Lives Matter aux États-Unis ou le mouvement el estallido social au Chili. Comment a-t-on glissé du contrôle des foules à une guerre de basse intensité ? Tourné sur trois ans, le film tente de répondre à cette question à travers une immersion dans des manifestations violentes en France, en Allemagne et aux États-Unis, complétée par des interviews de responsables policiers. Une enquête qui souligne une métamorphose de la protestation sociale en moment d’affrontement, avec le risque d’un recul des libertés publiques.

épisode 2 : "Presque mortel"

Un nouveau phénomène mondialisé : une police suréquipée face à des foules furieuses et sans défense qui brandissent leurs téléphones portables pour tout enregistrer. La guerre des images sur les médias sociaux polarise encore plus la police et les manifestants. Ce volet se concentre sur la police anti-émeute avec des exemples en France, en Allemagne, aux États-Unis…

L’arme du nouveau contrôle des foules tout autour du monde, c’est le fusil à balles en caoutchouc. Partout, les policiers se sont habitués à épauler et tirer sur des manifestants – un geste qui avait disparu. Les armes dites à létalité atténuée tuent moins… mais elles mutilent : des centaines de manifestants ont été par exemple éborgnés. Ce second volet enquête sur ces fusils omniprésents depuis dix ans. Des armes d’abord utilisées dans un contexte colonial, puis dans les ghettos avant d’être pointées vers des citoyens lambda. Les policiers tirent et quand ils blessent, ils dissimulent l’auteur du tir. Face à cela, l’arme des citoyens, c’est le téléphone portable. Le contre-pouvoir se répand massivement. Balles en caoutchouc contre vidéos…

Documentaire Quand la France s’embrase de David Dufresne, 2007

Deux ans après les émeutes de banlieue en 2005, le film révèle les dessous d’une spécialité bien française : le maintien de l’ordre. Fruit d’un an d’enquête, il décortique les mécanismes de l’ordre.. et du désordre. Pourquoi les crises françaises débordent en désordre généralisé ? Comment les crises sociales deviennent des crises de régime ? En quoi la stratégie du maintien de l’ordre est un art politique ?

La France, pays de manifestations et de contestation, est passée maître dans l’art du maintien de l’ordre. Toutes les polices du monde viennent y étudier ses tactiques et ses techniques. Emeutes des banlieues 2005, fronde anti-C.P.E. 2006 furent deux cas d’école de cette excellence affichée. Et pourtant, derrière ce savoir-faire se nichent des zones d’ombres, des bavures, des guerres larvées au sommet de l’Etat. “Quand la France s’embrase” révèle les dessous du maintien de l’ordre à la française. Depuis 1968, tout a changé. Les techniques policières, les choix stratégiques, les finalités politiques. Depuis toujours, derrière chaque opération : une consigne, un ordre, une doctrine. Aujourd’hui comme hier, le maintien de l’ordre demeure un instrument du pouvoir aussi redoutable que méconnu.

Documentaire A Nos Corps Défendants de IanB sur les violences d’Etat, 2020

Ce film ne raconte pas une histoire. Il se veut une approche sensible et radicale des violences psychologiques et physiques infligées aux habitant·es des quartiers populaires par la police. Les récits prennent place dans la France des vingt dernières années, celle de l’après Sarkozy, et sont rapportés par les premier·e·s concerné·e·s : pas de sociologue, pas d’historien, pas de journalistes ni de storytelling. Juste la parole de celles et ceux qu’on voudrait voir silencieux·ses : Wassil Kraiker et ses parents Zohra et Abdelaziz, des jeunes d’Argenteuil, Amine Mansouri et son père Moustapha, Ali Alexis et son épouse, Ramata Dieng et Farid El Yamni…

On y aborde la question de la domination, ou comment l’Etat traite les corps étrangers pour mieux les contrôler. Il est question de racisme, de torture et d’un combat vital pour la vérité. Les protagonistes de ce film n’avaient pas choisi de devenir un jour visibles, mais les violences systémiques en ont fait des combattant·e·s, à leurs corps défendants.

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